Auteurs : Charlotte Rotman et Anne Bouillon
Dessinateur : Lison Ferné
Éditeur : Steinkis
Parution : 31 octobre 2024
Pages : 189
EAN-13 : 978-2368466575
Anne Bouillon est avocate à Nantes et féministe. Depuis metoo, son cabinet ne désemplit pas. Chaque jour, des victimes s’adressent à elle. Chaque jour, elle se bat pour que la justice les entende.
Les femmes ne meurent pas par hasard est un livre marquant, essentiel et profondément émouvant. À travers une enquête rigoureuse et sensible, les autrices nous plongent dans un sujet délicat et nécessaire : la violence envers les femmes. Loin de se limiter à une simple chronique criminelle, l'ouvrage est une réflexion sociale et politique, un cri de vérité sur la manière dont les femmes sont souvent invisibilisées dans l’espace public et dans les récits médiatiques.
L’ouvrage adopte une approche
qui mêle enquête journalistique et témoignages personnels, où l’authenticité de
la parole des victimes se fait entendre à chaque page. Le titre du livre, Les
femmes ne meurent pas par hasard, fait écho à une réalité douloureuse : les
violences faites aux femmes, et en particulier les meurtres, sont trop souvent
traitées comme des faits divers ou des tragédies isolées, sans considération
pour les causes profondes et systématiques qui les sous-tendent.
On interroge ces disparitions
de femmes, mais sans se contenter de raconter les faits : on cherche à
comprendre pourquoi ces femmes disparaissent, pourquoi elles sont réduites à
des numéros dans des statistiques ou, pire, pourquoi leur disparition semble
laisser si peu de trace dans les consciences collectives. On soulève des
questions essentielles sur l’invisibilité des femmes dans les médias, leur
traitement dans les affaires criminelles et sur la manière dont la société
semble accepter, ou ignorer, ces violences.
Ce qui frappe dans Les
femmes ne meurent pas par hasard, c’est l’équilibre entre une écriture
accessible et une profondeur d’analyse. On nous présente un sujet extrêmement
lourd qui, sans jamais tomber dans le pathos ou le sensationnalisme, parvient à
rendre chaque récit vivant et poignant. On donne une voix aux femmes disparues,
mais aussi à celles qui les ont connues, à leurs proches, à leurs familles et à
tous ceux qui ont été affectés par ces tragédies.
L’écriture est à la fois sobre
et émotive. On réussit à transmettre toute la souffrance des personnages tout
en conservant une grande dignité dans son approche. Les témoignages, souvent
empreints de colère et de tristesse, sont d’une grande humanité et portent un
message clair : il ne faut pas oublier ces femmes, il faut entendre leurs voix.
Les femmes ne meurent pas
par hasard n’est pas seulement un recueil d’histoires tragiques, mais une
véritable réflexion sur la société. Anne Bouillon se fait l’avocate de toutes
ces femmes qui disparaissent sans que personne ne les cherche vraiment, ou qui,
après leur mort, sont rapidement oubliées, comme si elles n'avaient jamais
existé. Elle explore le traitement médiatique de ces disparitions, souvent
biaisé, parfois indifférent, et fait un parallèle entre la place des femmes
dans le journalisme et leur invisibilité dans d’autres sphères sociales.
L’autrice questionne les
structures patriarcales, les stéréotypes de genre et la culture du silence qui
entoure trop souvent les violences faites aux femmes. Ce livre n’est pas
seulement une dénonciation des faits ; il appelle aussi à une prise de conscience
collective sur la manière dont ces violences sont institutionnalisées.
Les autrices ne se contentent
pas de dérouler des faits, elles cherchent à donner une forme à l’invisible.
Elles explorent les contextes sociaux, familiaux et économiques dans lesquels
ces disparitions prennent place. En utilisant des témoignages, des enquêtes et
des recherches, elles reconstituent des histoires qui, autrement, auraient pu
passer inaperçues. Le livre devient alors une sorte de monument dédié à toutes
celles qui ont été effacées de la mémoire collective.
Bien que Les femmes ne
meurent pas par hasard soit un ouvrage d'une grande pertinence et d'une
grande force, il peut parfois sembler un peu dense dans son approche. La
pluralité des témoignages et des récits peut rendre la lecture un peu complexe
à certains moments, en particulier lorsque on entre dans les détails des
contextes sociaux et des données statistiques. Toutefois, cette densité est
également ce qui donne au livre toute sa richesse.
Le rythme peut aussi varier au
fil des chapitres, avec des passages plus introspectifs qui ralentissent
parfois l’élan de l’enquête. Cela n'enlève rien à la qualité du texte, mais il
faut reconnaître que certains lecteurs pourraient souhaiter un rythme un peu
plus soutenu dans la narration.
En définitive, Les femmes
ne meurent pas par hasard est un livre à la fois courageux et nécessaire.
Il nous pousse à réfléchir sur notre société, sur les mécanismes qui permettent
la violence faite aux femmes et sur l'importance de leur donner une place
centrale dans les récits publics. Les autrices réussissent à rendre visibles
des femmes dont on ne parle jamais assez, à déconstruire les stéréotypes qui
les entourent et à éveiller la conscience collective sur la manière dont la
violence envers les femmes est traitée dans l’espace médiatique et politique.
Ce livre ne se contente pas de
dénoncer, il propose aussi une prise de position forte et un appel à l’action.
Un ouvrage nécessaire pour quiconque s'intéresse à la question des droits des
femmes, de l’invisibilisation des victimes et de l’évolution des mentalités
face à ces questions urgentes. À lire absolument.










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