samedi 1 novembre 2025

Charlotte Rotman, Anne Bouillon et Lison Ferné - Les femmes ne meurent pas par hasard

 

Auteurs : Charlotte Rotman et Anne Bouillon
Dessinateur : Lison Ferné
Éditeur : Steinkis
Parution : 31 octobre 2024
Pages : 189
EAN-13 : 978-2368466575


Anne Bouillon est avocate à Nantes et féministe. Depuis metoo, son cabinet ne désemplit pas. Chaque jour, des victimes s’adressent à elle. Chaque jour, elle se bat pour que la justice les entende.




Les femmes ne meurent pas par hasard est un livre marquant, essentiel et profondément émouvant. À travers une enquête rigoureuse et sensible, les autrices nous plongent dans un sujet délicat et nécessaire : la violence envers les femmes. Loin de se limiter à une simple chronique criminelle, l'ouvrage est une réflexion sociale et politique, un cri de vérité sur la manière dont les femmes sont souvent invisibilisées dans l’espace public et dans les récits médiatiques.

L’ouvrage adopte une approche qui mêle enquête journalistique et témoignages personnels, où l’authenticité de la parole des victimes se fait entendre à chaque page. Le titre du livre, Les femmes ne meurent pas par hasard, fait écho à une réalité douloureuse : les violences faites aux femmes, et en particulier les meurtres, sont trop souvent traitées comme des faits divers ou des tragédies isolées, sans considération pour les causes profondes et systématiques qui les sous-tendent.
On interroge ces disparitions de femmes, mais sans se contenter de raconter les faits : on cherche à comprendre pourquoi ces femmes disparaissent, pourquoi elles sont réduites à des numéros dans des statistiques ou, pire, pourquoi leur disparition semble laisser si peu de trace dans les consciences collectives. On soulève des questions essentielles sur l’invisibilité des femmes dans les médias, leur traitement dans les affaires criminelles et sur la manière dont la société semble accepter, ou ignorer, ces violences.

Ce qui frappe dans Les femmes ne meurent pas par hasard, c’est l’équilibre entre une écriture accessible et une profondeur d’analyse. On nous présente un sujet extrêmement lourd qui, sans jamais tomber dans le pathos ou le sensationnalisme, parvient à rendre chaque récit vivant et poignant. On donne une voix aux femmes disparues, mais aussi à celles qui les ont connues, à leurs proches, à leurs familles et à tous ceux qui ont été affectés par ces tragédies.
L’écriture est à la fois sobre et émotive. On réussit à transmettre toute la souffrance des personnages tout en conservant une grande dignité dans son approche. Les témoignages, souvent empreints de colère et de tristesse, sont d’une grande humanité et portent un message clair : il ne faut pas oublier ces femmes, il faut entendre leurs voix.

Les femmes ne meurent pas par hasard n’est pas seulement un recueil d’histoires tragiques, mais une véritable réflexion sur la société. Anne Bouillon se fait l’avocate de toutes ces femmes qui disparaissent sans que personne ne les cherche vraiment, ou qui, après leur mort, sont rapidement oubliées, comme si elles n'avaient jamais existé. Elle explore le traitement médiatique de ces disparitions, souvent biaisé, parfois indifférent, et fait un parallèle entre la place des femmes dans le journalisme et leur invisibilité dans d’autres sphères sociales.
L’autrice questionne les structures patriarcales, les stéréotypes de genre et la culture du silence qui entoure trop souvent les violences faites aux femmes. Ce livre n’est pas seulement une dénonciation des faits ; il appelle aussi à une prise de conscience collective sur la manière dont ces violences sont institutionnalisées.

Les autrices ne se contentent pas de dérouler des faits, elles cherchent à donner une forme à l’invisible. Elles explorent les contextes sociaux, familiaux et économiques dans lesquels ces disparitions prennent place. En utilisant des témoignages, des enquêtes et des recherches, elles reconstituent des histoires qui, autrement, auraient pu passer inaperçues. Le livre devient alors une sorte de monument dédié à toutes celles qui ont été effacées de la mémoire collective.

Bien que Les femmes ne meurent pas par hasard soit un ouvrage d'une grande pertinence et d'une grande force, il peut parfois sembler un peu dense dans son approche. La pluralité des témoignages et des récits peut rendre la lecture un peu complexe à certains moments, en particulier lorsque on entre dans les détails des contextes sociaux et des données statistiques. Toutefois, cette densité est également ce qui donne au livre toute sa richesse.
Le rythme peut aussi varier au fil des chapitres, avec des passages plus introspectifs qui ralentissent parfois l’élan de l’enquête. Cela n'enlève rien à la qualité du texte, mais il faut reconnaître que certains lecteurs pourraient souhaiter un rythme un peu plus soutenu dans la narration.

En définitive, Les femmes ne meurent pas par hasard est un livre à la fois courageux et nécessaire. Il nous pousse à réfléchir sur notre société, sur les mécanismes qui permettent la violence faite aux femmes et sur l'importance de leur donner une place centrale dans les récits publics. Les autrices réussissent à rendre visibles des femmes dont on ne parle jamais assez, à déconstruire les stéréotypes qui les entourent et à éveiller la conscience collective sur la manière dont la violence envers les femmes est traitée dans l’espace médiatique et politique.
Ce livre ne se contente pas de dénoncer, il propose aussi une prise de position forte et un appel à l’action. Un ouvrage nécessaire pour quiconque s'intéresse à la question des droits des femmes, de l’invisibilisation des victimes et de l’évolution des mentalités face à ces questions urgentes. À lire absolument.

mercredi 29 octobre 2025

Franck Thilliez - Rêver

 

Auteur : Franck Thilliez
Éditeur : 12-21
Parution : 26 mai 2016
Pages : 597
EAN-13 : 978-2823843880


Psychologue réputée pour son expertise dans les affaires criminelles, Abigaël souffre d'une narcolepsie sévère qui lui fait confondre le rêve avec la réalité. De nombreux mystères planent autour de la jeune femme, notamment concernant l'accident qui a coûté la vie à son père et à sa fille, et dont elle est miraculeusement sortie indemne.

L'affaire de disparition d'enfants sur laquelle elle travaille brouille ses derniers repères et fait bientôt basculer sa vie dans un cauchemar éveillé... Dans cette enquête, il y a une proie et un prédateur : elle-même.


Pour la lecture du mois d’octobre du bookclub de Chez Cha Cheshire, nous avons choisi de plonger dans Rêver de Franck Thilliez. J’avais déjà lu La Brigade des cauchemars, que j’avais beaucoup aimé, mais c’est la première fois que je découvrais un de ses romans destinés à un public adulte. Et dès les premières pages, j’ai été happée.

L’auteur a le talent de créer une tension qui ne faiblit jamais. L’ambiance est à la fois oppressante et fascinante, portée par une écriture précise et immersive. J’ai adoré la façon dont il explore les frontières floues entre rêve et réalité, en utilisant la narcolepsie comme un véritable moteur narratif. On se retrouve constamment à douter, à chercher à démêler ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas — et c’est ce qui rend la lecture aussi prenante.

J’ai été particulièrement sensible à la complexité du personnage principal et à la manière dont sa maladie — la narcolepsie — devient le véritable centre de gravité du récit. Le roman interroge autant la conscience que la vérité, et c’est sans doute là sa plus grande force : Franck Thilliez ne se contente pas de raconter une enquête, il explore la fragilité de la perception humaine. On ressort du livre troublé, comme si l’on avait soi-même partagé les rêves et les confusions de l’héroïne. Derrière l’enquête policière, il y a une vraie dimension psychologique, presque intime, qui donne au roman une profondeur inattendue. On sent que tout est minutieusement construit, que chaque détail compte, et cela rend la lecture d’autant plus captivante.

Cela dit, j’ai trouvé que certains éléments de l’intrigue étaient assez faciles à deviner. À force de lire des thrillers, on finit par repérer certaines mécaniques, et même si l’histoire reste bien ficelée, quelques rebondissements m’ont semblé prévisibles. Cela n’a pas gâché mon plaisir, mais j’aurais aimé être un peu plus surprise dans la dernière partie.

Malgré cela, Rêver reste une lecture plaisante : un roman intense, intelligent et profondément troublant. C’est un thriller psychologique dense et maîtrisé, capable de captiver le lecteur tout en l’invitant à réfléchir sur la nature du réel. Même si l’effet de surprise n’a pas pleinement fonctionné pour moi, j’ai été emportée par la tension, la sensibilité du propos et la richesse thématique du roman. J’ai adoré cette expérience immersive et je comprends mieux pourquoi Franck Thilliez est considéré comme une référence du thriller français. Pour une première incursion dans ses romans adultes, c’est une très belle découverte, parfaite pour l’ambiance sombre et mystérieuse du mois d’octobre.

samedi 25 octobre 2025

Marine Kelada - Rune

 

 Auteur : Marine Kelada
Editeur : Autoédition
Parution : 20 septembre 2024
Pages : 484
EAN-13 : 979-8344306568



Reading, Angleterre
Décembre 2024
Lyanna Marsten
Je le vois depuis des mois. Partout. Tout le temps. Il me hante. Il me passionne. Depuis qu’il m’apparaît, la vie n’a plus la même saveur, tout est plus terne : mes études d’Histoire, mes relations, mon quotidien.
Il m’appelle. Et moi, dans ma folie, je brûle d’envie de lui répondre, de m’approcher de lui, de le découvrir.
En vain. Il m’échappe.
Car il est d’un autre temps...

Reading, Angleterre
Décembre 870
Rune Sigurdsson
Je suis revenu. J’ai survécu aux montagnes du nord de la Scandinavie, là où sévissent les plus sombres légendes de mon peuple. Plus personne ne m’attendait vivant. Mais je suis là, en Angleterre, et je rejoins les rangs de la Grande Armée Scandinave.
Les miens m’appellent le Survivant. Le protégé d’Odin. Le favori des dieux.
Rien n’est plus faux.
Je suis maudit, damné.
Je suis un cauchemar.
Alors elle est mon seul espoir.
Et le moment est venu d’aller la chercher, à plus de mille ans de moi.



Comme vous le savez, je ne suis pas une grande lectrice de romance. Ce n’est pas un genre vers lequel je me tourne naturellement, car j’ai souvent peur de tomber sur des histoires trop prévisibles ou trop centrées sur les émotions au détriment de l’univers. Pourtant, quelque chose dans Rune de Marine Kelada m’a immédiatement attirée, sans doute parce qu’il y avait cette promesse de voyage dans le temps, un peu à la manière d’Outlander, avec cette idée d’un lien mystérieux entre deux époques que tout oppose.

Dès les premières pages, j’ai senti que ce roman allait m’emporter ailleurs. L’ambiance est très prenante, à la fois moderne et imprégnée d’un souffle ancien, presque mystique. Lyanna, l’héroïne, vit dans notre monde contemporain, mais elle est hantée par des visions d’un homme qu’elle n’a jamais rencontré. Cet homme, c’est Rune, un guerrier viking du IXe siècle, condamné par une malédiction. Leur rencontre semble impossible, et pourtant, quelque chose les relie, au-delà des siècles, des frontières et de la logique.

Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est la manière dont l’autrice mélange les genres. On n’est pas seulement dans une romance, mais dans une sorte de quête à travers le temps, portée par une mythologie nordique bien dosée, qui donne au récit une dimension presque épique. L’univers viking est bien posé, suffisamment immersif pour qu’on s’y plonge sans effort, sans jamais tomber dans le documentaire ou l’excès d’information.

Le personnage de Rune dégage une force silencieuse, une douleur retenue, une intensité qui le rendent à la fois intriguant et touchant. Ce n’est pas un héros parfait, c’est un homme abîmé, marqué par le temps et la souffrance, et c’est ce qui le rend crédible. Lyanna, de son côté, est une héroïne moderne, parfois un peu impulsive, mais déterminée, et leur relation évolue dans une tension constante, entre attirance, interdits et impossibilité.

Même si je ne suis pas une grande amatrice de romance, j’ai trouvé que l’histoire d’amour était bien construite, pleine de tension et de mystère. Il y a quelques moments où j’aurais aimé que les émotions soient davantage développées, ou que certains passages prennent plus le temps de s’installer (la romance va un peu vite à mon goût), mais dans l’ensemble, le rythme est très fluide. Les chapitres sont courts, la plume est efficace, parfois poétique, et il y a ce petit quelque chose qui donne toujours envie de tourner la page suivante.

Peut-être que j’aurais aimé encore plus de profondeur historique, ou que certains aspects de la mythologie soient davantage explorés, mais je comprends aussi que ce n’est pas un roman historique pur. L’objectif est ailleurs : faire ressentir, faire rêver, faire voyager à travers le temps et les émotions. Et de ce point de vue-là, c’est une réussite.

Rune a été pour moi une belle surprise, une lecture que je n’aurais pas forcément choisie spontanément, mais qui m’a tenue en haleine du début à la fin. C’est un roman qui mêle amour, destin, mystère et voyage temporel, avec une vraie atmosphère et une histoire qui reste en tête une fois la dernière page tournée. Même sans être fan de romance, j’ai été conquise.

samedi 18 octobre 2025

Paru Itagaki - Bota Bota

  

Auteur / Dessinateur : Paru Itagaki
Editeur : Ki-oon
Parution : 2 octobre 2025
Pages : 216
EAN-13 : 979-1032719817


Mako Hikari est une femme à la constitution particulière, elle saigne abondamment du nez lorsqu'elle touche quelque chose de sale.
Son objectif : trouver un compagnon et avoir des relations sexuelles.
Désespérée, elle s'offre aux hommes sur son lieu de travail.
Néanmoins, aucun ne correspond à ses critères, aucun n'étant assez propre pour ça.



Il est des œuvres qui ne cherchent pas à plaire.
Des œuvres qui résistent à la consommation rapide, qui nécessite une certaine réflexion de la part de son lectorat.
Bota Bota en fait partie et c’est peut-être ce qui le rend si difficile à cerner… et d’autant plus intéressant à analyser.
Ce one-shot signé Paru Itagaki — que je découvrais pour la première fois ici — n’a pas tant éveillé en moi un plaisir de lecture qu’une forme de trouble. Pas désagréable, mais inconfortable, au sens fort du terme : cela m’a sortie de mon cadre habituel.

L’univers graphique, d’abord, est volontairement rugueux. Les visages, les postures, les scènes… tout y est exagéré, presque grotesque par moments. Rien n’est lissé. Rien n’est vraiment “joli”.
Cette laideur participe à un effet de distanciation : le lecteur n’est jamais installé dans une position confortable.
C’est un choix formel qui fait sens : l’œuvre elle-même parle d’un rapport troublé au corps, à l’hygiène, à la sexualité, au contact humain. Elle met en scène une obsession du “propre” qui vire à la phobie. La narration visuelle s’aligne avec cette obsession : elle dérange, visuellement et symboliquement.

Ce qui m’a marquée, c’est la manière dont le manga aborde le thème du désir sous un angle radicalement original : il n’est jamais idéalisé, ni même représenté comme quelque chose de fondamentalement positif.
Au contraire, il est présenté comme un lieu de conflit, de honte, de répression.
Cette lecture nous confronte à nos propres limites — ce que l’on attend d’une histoire dite “intime”, ce que l’on tolère ou non dans une représentation de la sexualité féminine.
Le malaise devient ici un outil narratif.
Et c’est précisément là que l’œuvre, selon moi, prend tout son intérêt : elle brouille les lignes, elle refuse les conventions du genre romantique ou érotique et expose à nu les contradictions d’un corps féminin trop longtemps observé de l’extérieur.

Autre point notable : la construction du récit n’est pas linéaire, ni très lisible à première vue.
Il y a des ruptures de ton, des disgressions, des personnages secondaires à peine esquissés. L’ensemble donne une impression d’instabilité.
Toutefois, cette fragmentation, qu’on pourrait prendre pour une faiblesse, participe justement à l’expérience sensorielle et mentale que propose le manga : on est baladé entre le grotesque, le pathétique, le tragique, l’absurde.
C’est déroutant, parfois dérangeant, et pourtant cohérent.
L’œuvre agit plus comme un catalyseur de sensations que comme une narration fluide.

En conclusion, Bota Bota ne se livre pas facilement.
Ce manga ne cherche ni à plaire, ni à rassurer.
Néanmoins, il propose une véritable expérience de lecture, au sens où il interroge la représentation du corps, du rapport à l’autre, et du désir — surtout quand ceux-ci ne rentrent dans aucune norme.
Je ne sais pas si je pourrais dire que j’ai aimé ce manga, mais je sais qu’il m’a fait réfléchir, et qu’il m’a obligée à reconsidérer certains automatismes de lecture.
Et dans une époque saturée de récits prévisibles, cela me semble déjà très précieux.

mercredi 15 octobre 2025

Cécile et Lionel Marty - Automne

 

Auteur / DessinateurCécile et Lionel Marty
Éditeur : Delcourt
Collection : Terres de légendes
Parution : 10 septembre 2025
Pages : 64
EAN-13 : 978-2413036678


Automne, seule survivante des Dryades, est liée à un arbre matriciel dont elle tire sa vie et sa force. Les Anciennes lui ont confié la mission cruciale de protéger ce dernier arbre, sous peine de voir sa lignée s'éteindre. Mais le peuple du fer s'aventure dans la forêt sacrée, coupe et brûle tout sur son passage. Automne va devoir intervenir pour les arrêter et préserver son existence.


Avant toute chose, je tiens à remercier les éditions Delcourt de m’avoir permis de lire cet ouvrage via la plateforme NetGalley.

L’objet est beau, le titre évoque le temps qui décline, ce qui meurt doucement, ce qui se souvient.
L’histoire, elle, se veut fable : Automne est la dernière dryade, gardienne silencieuse d’un arbre millénaire, reliquat d’un monde englouti. Face à elle, un peuple humain aveuglé par la logique du fer, de la construction, du profit. L’un préserve, l’autre rase. La confrontation paraît inévitable.

Il y a dans ce récit une sincérité qui touche. Une envie claire de parler de la nature comme d’un être vivant, vulnérable, habité de mémoires anciennes. La métaphore est assumée, peut-être un peu appuyée parfois, mais portée par une sensibilité réelle. Le dessin épouse bien cette ambition : les textures végétales foisonnent, les couleurs rappellent les mousses, les écorces, les rivières obscures. On sent la forêt, on la voit presque respirer entre les cases.

Toutefois, malgré cette richesse visuelle, le récit peine à se hisser à la hauteur de ses intentions. Il reste trop lisse, trop attendu. Le schéma narratif est classique, presque archétypal : la gardienne sacrifiée, l’agresseur mécanisé, le monde ancien balayé au nom du progrès. On sent ce que les auteurs veulent dire, mais on ne le ressent pas toujours pleinement. Automne elle-même, en tant que personnage, reste distante. Son silence aurait pu être densité, profondeur ; il devient ici retrait, effacement.

J’ai pensé, en lisant, à Mortal Engines — ce monde où les villes, littéralement, dévorent les plus petites pour survivre. À Mad Max, aussi, où les ruines industrielles deviennent le seul horizon, où la vitesse et la violence tiennent lieu de loi. Automne n’est pas aussi frontalement dystopique, mais la logique à l’œuvre est la même : un monde qui avance sans conscience, mû par un besoin de croissance devenu absurde.

Ici, la ville moderne n’est pas monstrueuse, pas encore. Elle est méthodique, désincarnée. Ce n’est pas une question de malveillance, mais d’oubli. Elle ne détruit pas par haine, mais par automatisme. Et c’est peut-être encore plus inquiétant. Le message écologique, s’il n’est pas neuf, reste pertinent : ce que l’humain consume, c’est aussi ce qui pourrait le sauver — une relation au vivant, à la lenteur, à ce qui ne produit rien mais donne tout.

Reste cette impression, en refermant le livre, d’un projet fort mais un peu retenu. Comme si, à force de vouloir préserver la nature, les auteurs n’avaient pas osé en déranger les branches. L’émotion est là, mais contenue. Le propos est clair, peut-être trop. Il manque cette zone d’ombre, ce trouble qui fait vaciller nos certitudes et donne du poids à l’histoire.

Automne est donc un bel objet, un livre qui mérite d’être lu, ne serait-ce que pour ce qu’il tente. Mais c’est aussi une œuvre qui laisse entrevoir tout ce qu’elle aurait pu être : plus ambivalente, plus incarnée, plus vertigineuse. Une graine plantée, certes, mais qui n’a pas tout à fait pris racine.

lundi 6 octobre 2025

V. E. Schwab - La vie invisible d'Addie Larue

 Auteur : V. E. Schwab
Editeur : Lumen
Parution : 3 juin 2021
Pages : 696
EAN-13 : 978-2371023048




Une vie dont personne ne se souviendra... Une histoire que vous ne pourrez plus jamais oublier... Une nuit de 1714, dans un moment de désespoir, une jeune femme avide de liberté scelle un pacte avec le diable. Mais si elle obtient le droit de vivre éternellement, en échange, personne ne pourra jamais plus se rappeler ni son nom ni son visage. La voilà condamnée à traverser les âges comme un fantôme, incapable de raconter son histoire, aussitôt effacée de la mémoire de tous ceux qui croisent sa route.

Ainsi commence une vie extraordinaire, faite de découvertes et d'aventures stupéfiantes, qui la mènent pendant plusieurs siècles de rencontres en rencontres, toujours éphémères, dans plusieurs pays d'Europe d'abord, puis dans le monde entier. Jusqu'au jour où elle pénètre dans une petite librairie à New York : et là, pour la première fois en trois cents ans, l'homme derrière le comptoir la reconnaît. Quelle peut donc bien être la raison de ce miracle ? Est-ce un piège ou un incroyable coup de chance ?



J’ai ce roman dans ma bibliothèque depuis sa sortie. Il me faisait envie, je savais qu’il finirait par me parler, mais je repoussais toujours le moment de m’y plonger.
Et puis, la lecture commune du mois de septembre organisée par le bookclub de Chez Cha Cheshire a été le déclic. L’occasion parfaite pour enfin rencontrer Addie.
Je savais que ce serait un roman particulier, un de ceux qui prennent leur temps, qui creusent doucement. Ce que je n’avais pas prévu, c’est à quel point il me laisserait cette sensation étrange : un mélange de légèreté, de mélancolie et de réflexion.
Il est des romans qui ne crient pas. Ils chuchotent à travers les siècles. Ils n’exigent pas d’être lus dans le fracas, mais dans ce silence où la mémoire se fêle. La vie invisible d’Addie Larue appartient à cette lignée : celle des œuvres qui narrent l’absence, sculptent le vide et habitent l’invisible.

Addie Larue refuse le destin qu’on veut lui imposer. En 1714, pour échapper à un mariage arrangé, elle passe un pacte : vivre libre, mais oubliée. Aussitôt qu’elle quitte une pièce, les gens ne se souviennent plus d’elle. Pas de nom, pas de trace, pas de souvenir.
Le concept est aussi cruel que fascinant. Et c’est ce qui m’a tenue tout au long du roman : ce mélange de solitude, de résistance et de désir de laisser une empreinte. Parce qu’Addie cherche quand même à exister. À se glisser dans les interstices de l’Histoire. À inspirer des œuvres, des idées, des émotions. Même si personne ne sait que c’est elle.

On pense forcément au mythe faustien du pacte avec le diable. Addie vend son âme pour être libre et découvre que la liberté a un prix qu’elle n’avait pas mesuré. La relation qu’elle entretient avec Luc — celui à qui elle a fait ce pacte — est complexe. Il est séduisant, mystérieux, parfois cruel, parfois troublant. Leur dynamique m’a autant intriguée qu’agacée par moments. C’est justement ce qui la rend intéressante.
Ce que j’ai aimé, c’est qu’on la suit à travers plusieurs siècles, plusieurs vies. Elle change de ville, de pays, elle observe le monde évoluer sans jamais vraiment y appartenir. C’est à la fois fascinant et profondément triste.

Et puis, il y a Henry, à New York, en 2014. Celui qui, pour une raison mystérieuse, se souvient d’elle. À partir de là, le roman prend une autre tournure.
Leur relation apporte un vrai contraste : Addie, marquée par 300 ans de solitude ; Henry, abîmé par ses propres doutes, sa peur de ne jamais être "assez". Ensemble, ils essaient d’exister dans un monde qui les abîme autrement.
C’est une histoire d’amour, oui, mais pas seulement. C’est surtout une histoire de reconnaissance. Le besoin d’être vu, vraiment.

Le roman prend son temps. On est loin du récit d’action. Il y a des longueurs, parfois. Mais si on accepte le rythme, on se laisse porter. Il y a des passages que j’ai trouvés très beaux, d’autres un peu répétitifs, mais dans l’ensemble, j’ai aimé me laisser happer par cette ambiance un peu hors du temps
On alterne entre passé et présent, entre moments d’errance et instants de tension. C’est fluide, mélancolique, souvent touchant.

La vie invisible d’Addie Larue est un roman qui parle d’existence, de solitude, de ce besoin universel d’être vu, reconnu, aimé. Ce n’est pas une lecture légère, mais une lecture qui marque, qui pousse à réfléchir.
Ce n’est pas un coup de cœur immédiat pour moi, mais c’est un roman que je suis contente d’avoir lu et encore plus d’avoir partagé dans le cadre du bookclub de Chez Cha Cheshire. Il m’a laissée avec des questions, quelques émotions en suspens et le souvenir d’un personnage qui, paradoxalement, malgré sa malédiction, ne s’efface pas.

samedi 20 septembre 2025

Charlotte Brontë, Emily Brontë et Anne Brontë - Jane Eyre / Les Hauts de Hurle-Vent / Agnès Grey

 

Auteurs : Charlotte Brontë, Emily Brontë et Anne Brontë
Editeur : Lgf Le Livre de Poche
Parution : 1er octobre 1997
Pages : 1 088
EAN-13 : 978-2253132387



Cette édition comprend les trois romans principaux des trois sœurs Brontë ainsi qu'une biographie illustrée. Sylvère Monod, spécialiste de la littérature anglaise du XIXe siècle, s'attache à faire ressortir l'influence du milieu qui devait marquer profondément la sensibilité des trois romancières.

Un père taciturne et fantasque, une mère évanescente et rêveuse, tôt disparue, une race imaginative, véhémente et passionnée : tels furent les dons du Destin pour les trois sœurs qui allaient devenir, comme le dit Virginia Woolf, " les femmes les plus attirantes du roman anglais ".
Elles étaient également douées pour tous les arts. Elles aspiraient ensemble, dès l'enfance, à donner une forme à leurs songes. Elles vécurent unies jusqu'à la mort, concentrées sur elles-mêmes comme un groupe d'exilés, dans un presbytère de campagne perdu sur la lande du Yorkshire.
Si, des trois sœurs Brontë, c'est Emily qui possède au plus haut point l'art de donner la vie aux mots, l'identité de leur triple génie se révèle par cette violence à voix douce qui est le ton même de la tragédie. Comme les Parques ou les Charites, les Brontë sont indissociables. C'est ainsi qu'il faut les découvrir ou les relire.
D'où la justification de ce volume.




🪶Jane Eyre🪶

Pour la lecture du mois d’août du bookclub de Chez Cha Cheshire, nous avons plongé dans un classique très connu. J’avais une vague idée de l’histoire, comme souvent avec les romans qu’on n’a pas lus mais qui circulent partout. Pourtant, la lecture a été bien plus déroutante que prévu.
Honnêtement, le début m’a paru interminable. L’enfance de Jane, marquée par la violence et le rejet, s’étire sur plusieurs chapitres avec un certain statisme. L’ambiance est pesante, presque étouffante. Ce n’est pas tant que ce soit mal écrit – l’autrice maîtrise parfaitement l’atmosphère – mais cela traîne. Il m’a fallu de la persévérance pour dépasser les premières dizaines de pages.

Heureusement, une fois arrivée à Thornfield, tout devient plus dense. Jane, jeune femme indépendante et cultivée, prend de l’ampleur. Ce n’est pas une héroïne classique : on insiste d’ailleurs régulièrement sur le fait qu’elle n’est pas jolie (peut-être un peu trop à mon goût). Une manière de la détacher des archétypes romantiques. Elle ne séduit pas, elle existe. Et c’est déjà beaucoup.

Ce qui rend Jane intéressante, c’est qu’elle est maîtresse de son histoire. Elle la raconte, elle choisit quoi dire, comment le dire. Elle ne cherche pas à susciter l’empathie facile. Elle veut être prise au sérieux. Elle incarne, à sa manière, une forme d’émancipation rare pour son époque. Elle affronte seule la pauvreté, la solitude, la marginalisation. Elle prend des décisions difficiles, parfois radicales, toujours cohérentes avec ce qu’elle est. Mais en même temps, elle n’est pas totalement détachée. Elle cherche le regard de l’autre, souvent celui d’un homme, comme un point d’appui ou un miroir. Ce paradoxe – vouloir rester libre tout en cherchant une forme de reconnaissance – la rend crédible (et parfois un peu agaçante). On voudrait qu’elle s’affirme plus vite, qu’elle dise non plus fort, qu’elle parte plus tôt. Et pourtant, sa lenteur à réagir est aussi ce qui la rend humaine.

Quant à M. Rochester… difficile de ne pas le voir comme un immense nid à red flags. Il ment, il manipule, il teste Jane en permanence. Il crée une tension malsaine, même si c’est sans doute ce qui rend leur relation aussi prenante. Il n’est jamais tout à fait odieux, mais il est profondément problématique. Ce qui sauve l’ensemble, c’est que Jane finit par lui échapper. Elle refuse de devenir sa dépendante, elle s’en va. Elle ne revient que lorsque les conditions sont différentes, lorsqu’elle peut le retrouver sans s’effacer. C’est un des rares romans du XIXe siècle où la femme ne sacrifie pas tout pour l’amour. Elle le choisit, mais à ses conditions.

Ce qui traverse tout le roman, c’est la tension entre l’amour et la liberté. Jane veut les deux, mais ne les confond pas. Elle ne cherche pas la fusion. Elle veut pouvoir partir si elle en a besoin. C’est cette possibilité qu’elle préserve, jusqu’au bout. Même quand elle revient, ce n’est pas une reddition. C’est un choix.

Je ne dirais pas que j’ai adoré le roman. Il y a des longueurs, des passages pesants (les sermons de St. John, notamment) et certains aspects m’ont franchement agacée. Mais Jane Eyre est une figure marquante. Pas parfaite, pas lisse, mais solide. C’est un livre qui mérite d’être lu pour ce qu’il dit sur la voix d’une femme dans un monde qui essaie constamment de la faire taire. Elle ne crie jamais, mais elle insiste. Et ça, ça reste.

samedi 13 septembre 2025

Luca Blengino, Antonio Sarchione et Axel Gonzalbo - Messaline : La déesse des miroirs


Auteur : Luca Blengino
Dessinateur : Antonio Sarchione
Coloriste : Axel Gonzalbo
Éditeur : Delcourt
Collection : Histoire & histoires
Parution : 17 septembre 2025
Pages : 56
EAN-13 : 978-2413079316


An 39 après J.-C. Valeria Messalina, 14 ans, est considérée comme la plus belle fille de Rome. Forcée d'épouser Claude, elle semble condamnée à la tristesse. Mais tout change quand Caligula est assassiné et Claude choisi comme nouvel empereur. Les portes du pouvoir s'ouvrent toutes grandes, mais ce sont la solitude et le besoin d'amour de Messaline qui vont tisser sa sinistre légende...


Avec Messaline : La Déesse des miroirs, les éditions Delcourt s’attaquent à l’une des figures les plus sulfureuses de la Rome antique. Entre réalité historique et légende noire, Messaline continue de fasciner. Mais l’album, s’il propose une relecture humanisante, soulève aussi quelques questions sur l’équilibre entre fiction, psychologie et rigueur historique.

Le récit s’ouvre à une époque charnière : Messaline, encore adolescente, est contrainte d’épouser Claude, futur empereur, plus vieux et physiquement disgracieux. On suit alors son ascension politique et intime, marquée par l’isolement, la recherche d’amour et une volonté farouche de s’imposer dans un monde d’hommes. Le scénario de Luca Blengino choisit de donner la parole à cette femme si souvent décrite par ses détracteurs masculins. Une démarche louable, qui tend à réhabiliter un personnage caricaturé, voire diabolisé.

Cependant, cette volonté de réécriture peut aussi donner le sentiment d’un certain lissage psychologique. À trop vouloir expliquer ou justifier ses actions, le récit prend parfois des accents un peu convenus. Messaline devient alors une figure presque trop moderne, trop consciente de sa condition, ce qui peut créer un décalage avec le contexte de la Rome impériale. Les amateurs d’Histoire rigoureuse pourraient y voir une forme de projection contemporaine sur un personnage antique.

Sur le plan graphique, le dessin d’Antonio Sarchione est d’un bon niveau : les visages sont expressifs, les décors romains crédibles et les scènes d’intimité comme de pouvoir sont mises en scène avec soin.

Cette bande dessinée s’inscrit pleinement dans l’esthétique et l’approche que semble proposer la collection Les Reines de Sang (que je ne connaissais pas) : un ton sérieux, un ancrage historique solide, une focalisation sur la condition féminine dans des périodes brutales. Ce cadre est à la fois sa force (on y apprend beaucoup, dans un format accessible) et sa limite : l’aspect pédagogique peut brider un peu la liberté narrative.

Messaline : La Déesse des miroirs est une lecture intelligente et sérieuse. Elle offre une relecture sensible d’un personnage historiquement dénigré, sans pour autant révolutionner la bande dessinée historique. Un bon album, solidement documenté, mais peut-être un peu trop sage et trop court pour pleinement capturer la fougue et les ambiguïtés de cette figure de la Rome antique.

mercredi 10 septembre 2025

Louise Helm - The Honeymoon Rematch


Auteur : Louise Helm
Lecteurs : Estelle Galarme et Laurent Blanpain
Éditeur : Lizzie
Parution : 30 avril 2025
Durée : 10 h 29 min
EAN-13 : 979-1036641411


– June Bennett, voulez-vous prendre Will Paris comme époux, et promettez-vous de lui rester fidèle, dans le bonheur ou dans les épreuves, dans la santé et dans la maladie, pour l'aimer tous les jours de votre vie ?
J'expulse tout l'air contenu dans mes poumons, mes yeux plongés dans ceux de Will, et cette fois, je ne détourne pas le regard.
– Non.
June avait tout pour être heureuse : une vie tranquille, un poste de rêve et Will, un patron incroyable qui s'avérait être aussi son fiancé. Jusqu'à ce que ce dernier révèle son vrai visage et qu'elle le quitte devant l'autel.

Face à la dépression de June qui s'installe, Alice, sa meilleure amie, fomente un plan improbable : envoyer June profiter de sa lune de miel avortée avec un mystérieux accompagnateur dégusté sur Find It, une application qui fait sensation.

Au carrefour de sa vie et à l'autre bout du monde, June rencontre ainsi Nathan, un jeune et charmant inconnu qui semble prêt à tout pour lui remonter le moral et se faire passer pour son époux. Mais lui aussi a des secrets... et June est-elle prête à faire à nouvelle confiance ? À ses risques et périls...

Découvrez avec The Honeymoon's Rematch une romance fake dating au bout du monde...



J’ai eu la chance de découvrir ce roman grâce aux éditions Lizzie via la plateforme NetGalley, et je dois avouer que c’est une belle surprise. D’ordinaire, je ne suis pas une grande lectrice de romance, mais cette histoire m’a totalement embarquée et m’a fait passer un très bon moment.
Petite précision importante pour celles et ceux que cela intéresse (ou au contraire qui préfèrent éviter) : il y a quelques passages de smut, jamais envahissants mais suffisamment présents pour être signalés.

Ce qui m’a tout de suite séduite, c’est l’ambiance. Le cadre ensoleillé et dépaysant donne une vraie légèreté à l’écoute et rend le roman parfait pour prolonger l’été. Même si l’intrigue repose sur des codes assez classiques, l’ensemble est efficace et plaisant, grâce à une bonne dose d’humour, de tendresse et de dialogues bien rythmés.

Côté personnages, chacun apporte une dynamique intéressante. June, avec ses failles et ses décisions parfois agaçantes, reste attachante, tandis que Nathan séduit par sa maturité et son côté rassurant. Mention spéciale à Alice, la meilleure amie, qui apporte fraîcheur et humour.

Bien sûr, tout n’est pas parfait : le début est un peu lent, certains thèmes sérieux sont effleurés sans être développés et la progression de la relation entre les protagonistes peut sembler rapide. Néanmoins, ces petits bémols ne gâchent pas l’expérience globale, qui reste solaire, fluide et divertissante.

L’atout majeur, selon moi, réside dans la version audio. Les deux narrateurs incarnent les personnages avec justesse. La voix douce et sensible d’Estelle Galarme correspond parfaitement à l’héroïne, tandis que la voix grave et rassurante de Laurent Blanpain donne beaucoup de profondeur au héros. Ensemble, ils renforcent l’immersion et rendent l’histoire encore plus vivante.

En conclusion, The Honeymoon Rematch est une romance légère, chaleureuse et dépaysante. Même si le roman ne surprend pas par son originalité, il remplit parfaitement sa mission : offrir une parenthèse douce et ensoleillée. Une belle découverte pour moi, qui ne suis pas une grande adepte du genre.

mercredi 3 septembre 2025

Jeremy Barlow et Josh Wood - Avatar : Au cœur des ombres

   

Auteur : Jeremy Barlow
Dessinateur : Josh Wood
Éditeur : Delcourt
Collection : Contrebande
Parution : 27 août 2025
Pages : 96
EAN-13 : 978-2413077978


Jake Sully est devenu le chef de la tribu Na'vi des Omatikayas, mais avec leur Arbre-Vie détruit, il commence à douter de sa place parmi eux. Alors que la querelle entre les Na'vi et les humains persiste, les tensions entre les tribus commencent à s'intensifier tandis que de vieux conflits familiaux engendrent traîtrise et trahison !


J’ai refermé Avatar : Au cœur des ombres avec un sentiment ambivalent. D’un côté, le comics a ses qualités indéniables : les planches sont soignées, les couleurs sublimes et l’univers de Pandora continue de fasciner par sa richesse visuelle. On retrouve Jake Sully en chef, confronté à des dilemmes personnels et tribaux, et cette approche introspective apporte un peu de fraîcheur par rapport aux films.

Mais malgré ces aspects positifs, j’ai eu du mal à pleinement m’immerger. Le récit m’a semblé trop dense pour son format : en moins de cent pages, le scénario tente de traiter trop de sujets – leadership, rivalités, écologie, héritage spirituel – et certains arcs auraient mérité d’être développés pour que les enjeux émotionnels prennent réellement.

Autre point : l’album s’adresse avant tout aux fans de l’univers. Si l’on connaît mal les personnages secondaires ou les coutumes Na’vi, certaines scènes paraissent abruptes ou manquent de contexte.

Pour un lecteur occasionnel, le récit peut sembler un peu confus et difficile à suivre.
En résumé, cet ouvrage est agréable à parcourir et offre quelques moments de vraie intensité émotionnelle, mais il ne m’a pas complètement convaincue. C’est un ajout correct à l’univers d’Avatar, mais qui manque de souffle et de profondeur pour marquer durablement. Une lecture que j’ai appréciée, mais sans être vraiment enthousiasmée.

samedi 30 août 2025

Taylor Jenkins Reid - Le(s) vrai(es) amour(s)


Auteur : 
Taylor Jenkins Reid
Editeur : 10/18
Parution : 12 juin 2025
Pages : 360
EAN-13 : 978-2264086297


Le jour où son mari, Jesse, disparaît au cours d'un accident d'hélicoptère, le monde d'Emma Blair s'effondre. Dévastée, c'est dans sa ville natale du Massachussets qu'elle se réfugie pour surmonter cette tragédie. Entre les rayonnages de la librairie de ses parents, Emma reprend peu à peu goût à la vie. Et quand elle croise la route de Sam, un ami d'enfance, elle entrevoit enfin la possibilité d'être à nouveau heureuse à ses côtés. Mais quelques jours après leurs fiançailles, son destin bascule une seconde fois, lorsqu'elle apprend que Jesse est vivant. Emma va alors devoir choisir entre son premier amour et le nouvel amour de sa vie.



Comme chaque année, j’ai retrouvé Taylor Jenkins Reid avec plaisir. Ce rendez-vous annuel est devenu une sorte de rituel, et même si Le(s) vrai(es) amour(s) n’est pas mon préféré de l’autrice, il n’en reste pas moins un roman qui m’a fait réfléchir bien au-delà de ses pages.

Ce que j’apprécie particulièrement chez cette autrice, c’est sa capacité à ne pas proposer d’amour idéalisé. Elle explore ici l’amour dans toute sa complexité : celui qui nous construit, celui qui nous apaise, celui auquel on tient par souvenir ou par espoir et celui qu’on choisit consciemment, avec lucidité. L’amour n’est jamais simple et ce roman le prouve encore une fois. Il s’agit moins de passion fulgurante que de confrontation entre plusieurs vérités affectives — entre ce qu’on a été et ce qu’on est devenu.
 
En lisant, je me suis beaucoup interrogée sur ce que j’aurais fait à la place d’Emma. J’ai trouvé le dilemme central profondément humain, mais aussi parfois frustrant. J’avoue avoir eu du mal avec certains de ses choix — je ne peux pas en dire plus sans gâcher l’intrigue — mais disons que, par moment, son comportement m’a semblé manquer de clarté ou d’équité, ce qui a freiné un peu mon empathie pour elle.
Cela dit, cette gêne a aussi nourri ma réflexion : peut-on vraiment agir "justement" quand on aime sincèrement deux personnes différentes ? Est-ce que l’amour se mesure à l’intensité, à la durée, à la compatibilité ? Ou à ce qu’on choisit de construire chaque jour avec quelqu’un ? Ces questions m’ont accompagnée bien après avoir refermé le livre.

J’ai été, sans grande surprise, Team Sam. Il incarne une forme de stabilité, d’attention sincère et une certaine maturité dans la manière d’aimer — des qualités qui, pour moi, résonnent profondément avec ce que j’attends d’une relation amoureuse. Sur certains aspects, il m’a même rappelé mon mari, ce qui a sans doute renforcé mon attachement à ce personnage.

Un élément a un peu influencé mon expérience de lecture : je me suis rendue compte en cours de route que j’avais déjà vu l’adaptation cinématographique, sans savoir qu’elle était tirée de ce roman. J’en connaissais donc la fin, ce qui a atténué l’effet de surprise et l’intensité de certains moments. Cela dit, cela ne m’a pas empêchée d’apprécier la finesse avec laquelle Taylor Jenkins Reid explore les nuances des sentiments, des choix et des contradictions humaines.

Ce roman ne brille pas par une structure narrative ambitieuse comme d’autres de l’autrice, mais il touche juste, parce qu’il parle de quelque chose d’universel : le changement, les secondes chances, et cette question lancinante qu’on se pose parfois — « et si… ? »