mercredi 15 octobre 2025

Cécile et Lionel Marty - Automne

 

Auteur / DessinateurCécile et Lionel Marty
Éditeur : Delcourt
Collection : Terres de légendes
Parution : 10 septembre 2025
Pages : 64
EAN-13 : 978-2413036678


Automne, seule survivante des Dryades, est liée à un arbre matriciel dont elle tire sa vie et sa force. Les Anciennes lui ont confié la mission cruciale de protéger ce dernier arbre, sous peine de voir sa lignée s'éteindre. Mais le peuple du fer s'aventure dans la forêt sacrée, coupe et brûle tout sur son passage. Automne va devoir intervenir pour les arrêter et préserver son existence.


Avant toute chose, je tiens à remercier les éditions Delcourt de m’avoir permis de lire cet ouvrage via la plateforme NetGalley.

L’objet est beau, le titre évoque le temps qui décline, ce qui meurt doucement, ce qui se souvient.
L’histoire, elle, se veut fable : Automne est la dernière dryade, gardienne silencieuse d’un arbre millénaire, reliquat d’un monde englouti. Face à elle, un peuple humain aveuglé par la logique du fer, de la construction, du profit. L’un préserve, l’autre rase. La confrontation paraît inévitable.

Il y a dans ce récit une sincérité qui touche. Une envie claire de parler de la nature comme d’un être vivant, vulnérable, habité de mémoires anciennes. La métaphore est assumée, peut-être un peu appuyée parfois, mais portée par une sensibilité réelle. Le dessin épouse bien cette ambition : les textures végétales foisonnent, les couleurs rappellent les mousses, les écorces, les rivières obscures. On sent la forêt, on la voit presque respirer entre les cases.

Toutefois, malgré cette richesse visuelle, le récit peine à se hisser à la hauteur de ses intentions. Il reste trop lisse, trop attendu. Le schéma narratif est classique, presque archétypal : la gardienne sacrifiée, l’agresseur mécanisé, le monde ancien balayé au nom du progrès. On sent ce que les auteurs veulent dire, mais on ne le ressent pas toujours pleinement. Automne elle-même, en tant que personnage, reste distante. Son silence aurait pu être densité, profondeur ; il devient ici retrait, effacement.

J’ai pensé, en lisant, à Mortal Engines — ce monde où les villes, littéralement, dévorent les plus petites pour survivre. À Mad Max, aussi, où les ruines industrielles deviennent le seul horizon, où la vitesse et la violence tiennent lieu de loi. Automne n’est pas aussi frontalement dystopique, mais la logique à l’œuvre est la même : un monde qui avance sans conscience, mû par un besoin de croissance devenu absurde.

Ici, la ville moderne n’est pas monstrueuse, pas encore. Elle est méthodique, désincarnée. Ce n’est pas une question de malveillance, mais d’oubli. Elle ne détruit pas par haine, mais par automatisme. Et c’est peut-être encore plus inquiétant. Le message écologique, s’il n’est pas neuf, reste pertinent : ce que l’humain consume, c’est aussi ce qui pourrait le sauver — une relation au vivant, à la lenteur, à ce qui ne produit rien mais donne tout.

Reste cette impression, en refermant le livre, d’un projet fort mais un peu retenu. Comme si, à force de vouloir préserver la nature, les auteurs n’avaient pas osé en déranger les branches. L’émotion est là, mais contenue. Le propos est clair, peut-être trop. Il manque cette zone d’ombre, ce trouble qui fait vaciller nos certitudes et donne du poids à l’histoire.

Automne est donc un bel objet, un livre qui mérite d’être lu, ne serait-ce que pour ce qu’il tente. Mais c’est aussi une œuvre qui laisse entrevoir tout ce qu’elle aurait pu être : plus ambivalente, plus incarnée, plus vertigineuse. Une graine plantée, certes, mais qui n’a pas tout à fait pris racine.

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