samedi 18 octobre 2025

Paru Itagaki - Bota Bota

  

Auteur / Dessinateur : Paru Itagaki
Editeur : Ki-oon
Parution : 2 octobre 2025
Pages : 216
EAN-13 : 979-1032719817


Mako Hikari est une femme à la constitution particulière, elle saigne abondamment du nez lorsqu'elle touche quelque chose de sale.
Son objectif : trouver un compagnon et avoir des relations sexuelles.
Désespérée, elle s'offre aux hommes sur son lieu de travail.
Néanmoins, aucun ne correspond à ses critères, aucun n'étant assez propre pour ça.



Il est des œuvres qui ne cherchent pas à plaire.
Des œuvres qui résistent à la consommation rapide, qui nécessite une certaine réflexion de la part de son lectorat.
Bota Bota en fait partie et c’est peut-être ce qui le rend si difficile à cerner… et d’autant plus intéressant à analyser.
Ce one-shot signé Paru Itagaki — que je découvrais pour la première fois ici — n’a pas tant éveillé en moi un plaisir de lecture qu’une forme de trouble. Pas désagréable, mais inconfortable, au sens fort du terme : cela m’a sortie de mon cadre habituel.

L’univers graphique, d’abord, est volontairement rugueux. Les visages, les postures, les scènes… tout y est exagéré, presque grotesque par moments. Rien n’est lissé. Rien n’est vraiment “joli”.
Cette laideur participe à un effet de distanciation : le lecteur n’est jamais installé dans une position confortable.
C’est un choix formel qui fait sens : l’œuvre elle-même parle d’un rapport troublé au corps, à l’hygiène, à la sexualité, au contact humain. Elle met en scène une obsession du “propre” qui vire à la phobie. La narration visuelle s’aligne avec cette obsession : elle dérange, visuellement et symboliquement.

Ce qui m’a marquée, c’est la manière dont le manga aborde le thème du désir sous un angle radicalement original : il n’est jamais idéalisé, ni même représenté comme quelque chose de fondamentalement positif.
Au contraire, il est présenté comme un lieu de conflit, de honte, de répression.
Cette lecture nous confronte à nos propres limites — ce que l’on attend d’une histoire dite “intime”, ce que l’on tolère ou non dans une représentation de la sexualité féminine.
Le malaise devient ici un outil narratif.
Et c’est précisément là que l’œuvre, selon moi, prend tout son intérêt : elle brouille les lignes, elle refuse les conventions du genre romantique ou érotique et expose à nu les contradictions d’un corps féminin trop longtemps observé de l’extérieur.

Autre point notable : la construction du récit n’est pas linéaire, ni très lisible à première vue.
Il y a des ruptures de ton, des disgressions, des personnages secondaires à peine esquissés. L’ensemble donne une impression d’instabilité.
Toutefois, cette fragmentation, qu’on pourrait prendre pour une faiblesse, participe justement à l’expérience sensorielle et mentale que propose le manga : on est baladé entre le grotesque, le pathétique, le tragique, l’absurde.
C’est déroutant, parfois dérangeant, et pourtant cohérent.
L’œuvre agit plus comme un catalyseur de sensations que comme une narration fluide.

En conclusion, Bota Bota ne se livre pas facilement.
Ce manga ne cherche ni à plaire, ni à rassurer.
Néanmoins, il propose une véritable expérience de lecture, au sens où il interroge la représentation du corps, du rapport à l’autre, et du désir — surtout quand ceux-ci ne rentrent dans aucune norme.
Je ne sais pas si je pourrais dire que j’ai aimé ce manga, mais je sais qu’il m’a fait réfléchir, et qu’il m’a obligée à reconsidérer certains automatismes de lecture.
Et dans une époque saturée de récits prévisibles, cela me semble déjà très précieux.

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