Auteur / Dessinateur : Paru Itagaki
Editeur : Ki-oon
Parution : 2 octobre 2025
Pages : 216
EAN-13 : 979-1032719817
Mako Hikari est une femme à la constitution particulière, elle saigne abondamment du nez lorsqu'elle touche quelque chose de sale.
Son objectif : trouver un compagnon et avoir des relations sexuelles.
Désespérée, elle s'offre aux hommes sur son lieu de travail.
Néanmoins, aucun ne correspond à ses critères, aucun n'étant assez propre pour ça.
Il est des œuvres qui ne
cherchent pas à plaire.
Des œuvres qui résistent à la consommation rapide, qui nécessite une certaine
réflexion de la part de son lectorat.
Bota Bota en fait partie et c’est
peut-être ce qui le rend si difficile à cerner… et d’autant plus intéressant à
analyser.
Ce one-shot signé Paru Itagaki
— que je découvrais pour la première fois ici — n’a pas tant éveillé en moi un
plaisir de lecture qu’une forme de trouble. Pas désagréable, mais inconfortable, au sens fort du
terme : cela m’a sortie de mon cadre habituel.
L’univers graphique, d’abord,
est volontairement rugueux. Les visages, les postures, les scènes… tout y est exagéré, presque grotesque par
moments. Rien n’est lissé. Rien n’est vraiment “joli”.
Cette laideur participe à un effet de distanciation : le lecteur n’est jamais
installé dans une position confortable.
C’est un choix formel qui fait sens : l’œuvre elle-même parle d’un rapport
troublé au corps, à l’hygiène, à la sexualité, au contact humain. Elle met en
scène une obsession du “propre” qui vire à la phobie. La narration visuelle
s’aligne avec cette obsession : elle dérange, visuellement et symboliquement.
Ce qui m’a marquée, c’est la
manière dont le manga aborde le thème du désir sous un
angle radicalement original : il n’est jamais idéalisé, ni même représenté
comme quelque chose de fondamentalement positif.
Au contraire, il est présenté comme un lieu de conflit, de honte, de
répression.
Cette lecture nous confronte à
nos propres limites — ce que l’on attend d’une histoire dite “intime”, ce que
l’on tolère ou non dans une représentation de la sexualité féminine.
Le malaise devient ici un outil narratif.
Et c’est précisément là que l’œuvre, selon moi, prend tout son intérêt : elle brouille les lignes, elle
refuse les conventions du genre romantique ou érotique et expose à nu les
contradictions d’un corps féminin trop longtemps observé de l’extérieur.
Autre point notable : la
construction du récit n’est pas linéaire, ni très lisible à première vue.
Il y a des ruptures de ton, des disgressions, des personnages secondaires à
peine esquissés. L’ensemble donne une impression d’instabilité.
Toutefois, cette fragmentation, qu’on pourrait prendre pour une faiblesse,
participe justement à l’expérience sensorielle et
mentale que propose le manga : on est baladé entre le
grotesque, le pathétique, le tragique, l’absurde.
C’est déroutant, parfois
dérangeant, et pourtant cohérent.
L’œuvre agit plus comme un catalyseur de sensations
que comme une narration fluide.
En
conclusion, Bota Bota ne se livre pas facilement.
Ce manga ne cherche ni à plaire, ni à rassurer.
Néanmoins, il propose une véritable expérience de lecture,
au sens où il interroge la représentation du corps, du rapport à l’autre, et du
désir — surtout quand ceux-ci ne rentrent dans aucune norme.
Je ne sais pas si je pourrais
dire que j’ai aimé ce manga, mais je sais qu’il m’a fait réfléchir, et qu’il
m’a obligée à reconsidérer certains automatismes de
lecture.
Et dans une époque saturée de
récits prévisibles, cela me semble déjà très précieux.
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