Auteurs : Mélissa Da Costa et Carbone
Dessinateur : Juliette Bertaudière
Éditeur : Albin Michel
Parution : 14 août 2024
Pages : 256
EAN-13 : 978-2226482709
Émile, 26 ans, touché par un Alzheimer précoce, quitte l'hôpital et sa famille afin de partir à l'aventure. Une jeune femme, Joanne, répond à son annonce. Ils commencent ensemble un périple où la rencontre des autres conduit à la découverte de soi-même.
Tout le bleu du ciel est une bande dessinée qui surprend par la douceur avec laquelle elle aborde un sujet pourtant lourd : celui d’un jeune homme qui décide de reprendre sa liberté alors qu’il sait que son temps est compté. Dès les premières pages, l’œuvre séduit par son atmosphère apaisante, presque lumineuse, qui contraste avec la gravité de l’histoire. Cette harmonie crée un écrin particulier, où la sensibilité ne se traduit jamais par de la lourdeur, mais par une sincérité discrète et touchante.
Le trait de l’illustratrice
joue un rôle majeur dans cette impression. Les dessins sont ronds, expressifs,
accueillants. Les couleurs pastel, très présentes, instaurent une ambiance
douce qui invite à la contemplation. On sent une volonté claire : faire ressentir
les émotions avant de les expliquer, laisser la beauté des paysages et des
moments simples parler d’elle-même. Les planches respirent, les scènes sont
aérées et le lecteur se retrouve embarqué dans un voyage qui tient autant du
parcours intérieur que de la balade à travers la montagne.
La force de cet ouvrage réside
d’ailleurs dans la manière dont il évoque cette relation entre l’espace
extérieur et l’espace intime. Le road-trip n’est pas seulement un déplacement
géographique : il devient une façon d’exister autrement. À travers les chemins,
les arrêts improvisés, les rencontres, on suit deux personnages qui apprennent
à se connaître en même temps qu’ils apprennent à se retrouver eux-mêmes. Le
récit avance sans précipitation, avec une grande attention portée aux silences,
aux gestes, aux regards. Cette lenteur maîtrisée donne au lecteur le temps de
s’attacher aux personnages et de s’immerger dans leurs fragilités comme dans
leurs élans.
Les émotions sont portées avec
beaucoup de pudeur. L’histoire ne cherche jamais à tirer des larmes, mais
plutôt à accompagner. On est face à une œuvre profondément humaine, où les
instants de tendresse, d’humour, de doute ou de fatigue se succèdent avec naturel.
Le sujet de la maladie, omniprésent en arrière-plan, est traité avec une
immense délicatesse : il n’écrase pas l’histoire, il l’oriente. Ce choix donne
à la bande dessinée une tonalité particulière, empreinte d’une mélancolie
douce, attentive aux nuances de ce que vivent les personnages.
Sans avoir lu le roman
d’origine, la bande dessinée se suffit largement à elle-même. Elle offre un
récit complet, sensible, visuellement très beau, qui touche par sa simplicité
et sa justesse. On en ressort apaisé, parfois un peu bousculé, mais surtout accompagné.
C’est une lecture qui rappelle qu’au cœur des moments les plus difficiles, il
reste toujours la possibilité de vivre pleinement, d’aimer doucement et
d’admirer le monde autour de soi.
Le récit survole de nombreux
éléments qui, dans la bande dessinée (et certainement dans le roman d’origine),
avaient une importance cruciale. La psychologie des personnages, leur passé,
leur manière de réagir face à la maladie et aux situations de la vie, sont à
peine esquissés. Le personnage de Joanne, en particulier, est profondément
transformé : son passé est complètement modifié et certains aspects essentiels,
notamment le sujet de l’autisme qui donnait une dimension particulière à son
parcours et à sa relation avec Émile, ont été retirés. Cela a un impact direct
sur la signification du titre : Tout le bleu du ciel n’a plus la même
résonance ni la même poésie que dans l’adaptation graphique.
La fin du téléfilm ne m’a pas
non plus touché de la même manière. L’intensité émotionnelle, qui faisait la
force de la bande dessinée, est beaucoup moins palpable à l’écran. Les
situations sont traitées avec une certaine distance et j’ai eu du mal à
éprouver de l’empathie pour les personnages, contrairement à ce que la lecture
de la bande dessinée suscite naturellement.
Je peux comprendre la
nécessité de simplifier ou de réorganiser une histoire pour la rendre
accessible au format télévisuel, mais j’aurais apprécié retrouver toute la
profondeur, toute la subtilité des relations et des émotions. Cette adaptation
reste agréable visuellement et respectueuse dans ses intentions, mais elle me
laisse sur un sentiment de manque de substance émotionnelle et de perte de la
richesse du récit original.


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