samedi 14 juin 2025

Alain Ayroles, Hervé Tanquerelle et Isabelle Merlet - La Terre verte

Auteur : Alain Ayroles
Dessinateur : Hervé Tanquerelle
Coloriste : Isabelle Merlet
Éditeur : Delcourt
Parution : 9 avril 2025
Pages : 256
EAN-13 : 978-2413076780


Aux derniers temps du Moyen Age, les ultimes descendants des Vikings tentent désespérément de survivre sur les rivages glacés du Groenland. Un homme au lourd passé, en quête d'une seconde chance, débarque parmi eux. Leur apportera-t-il le salut ou précipitera-t-il l'effondrement de la "Terre verte" ?


Je remercie les éditions Delcourt de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage via la plateforme NetGalley.

En toute transparence, lorsque j'ai commencé ma lecture, je n'avais plus en tête le résumé de ce récit. On nous propose ici une uchronie réaliste se déroulant dans les paysages glacés du Groenland.
On nous livre une version crédible d'un monde qui aurait pu exister. Tout est plausible, documenté, solidement ancré dans l'histoire. Le travail documentaire est solide, les références historiques et anthropologiques sont bien intégrées sans être pesantes.
L'uchronie sert avant tout de cadre à une réflexion sur le pouvoir, la mémoire et les choix individuels. Richard est présenté comme un personnage ambivalent, entre remords, ambition et résilience.

Graphiquement, une véritable atmosphère est créée : les paysages glacés, les visages burinés, les couleurs discrètes mais efficaces, ... Tout cela renforce la sensation de froid, de tension et d'enfermement.

Malgré cette richesse visuelle et contextuelle, mon ressenti est en demi-teinte.
La figure centrale du récit peine à susciter l'empathie, et ce malgré sa complexité. Il est tout en retenue, ce qui rend difficile l'implication du lecteur. Il en va de même pour plusieurs personnages secondaires : bien caractérisés, mais pas toujours pleinement exploités.
Le récit semble vouloir beaucoup dire - sur le pouvoir, l'exil, la mémoire, la foi, la survie - mais le fil rouge se dilue parfois dans une narration trop cérébrale. On sent la volonté d'intellectualiser, de donner du poids historique et symbolique à chaque dialogue ou confrontation. Malheureusement, cela se fait parfois au détriment de l'émotion ou de la tension dramatique.

La Terre verte est une œuvre ambitieuse. Elle propose une vision originale d'un monde oublié, entre Histoire et fiction. Toutefois, cette ambition freine par moment l'élan narratif. L'album impressionne plus qu'il n'emporte et laisse une sensation de distance : intellectuellement stimulant, mais émotionnellement un peu froid.

samedi 7 juin 2025

Mois de la Fantasy 2025

 

Le mois de mai vient de se terminer et avec lui le challenge Mois de la Fantasy organisé par Stéphanie (alias Pikiti bouquine).

Ce mois est passé très vite.
Le genre SFFF (Science-fiction, Fantastique et Fantasy) est mon genre de prédilection. Néanmoins, je me suis laissée libre de lire ce que je souhaitais : aucune pression.
Afin de valider certaines catégories, j'ai plus axé sur le côté Imaginaire que Fantasy (Est-ce de la triche ? J'assume complétement !).


Pärm correspond plus au mot-clé "Quête" que "Cosy fantasy" évidemment.


Dernier acte des Mémoires de la forêt qui a su toucher mon petit cœur.


Une agréable découverte ! Hâte de connaître la suite !


Je ne sais pas vraiment où classer cet ouvrage graphique. En tout cas, il rentre parfaitement dans la catégorie "Horreur" !


A première vue, U4 est plutôt une série de science-fiction. Toutefois, il y a un élément lié à Koridwen qui, pour moi, relève du fantastique.

J'ai été moins "sérieuse" cette année que les éditions précédentes. Néanmoins, je prends toujours ce challenge sous le signe du plaisir et non sous un aspect de compétition ou de défi. La Fantasy restera de toute façon un de mes genres favoris.
Au final, je ne m'en sors pas si mal que cela, je trouve !

Et vous ? Avez-vous participé ?

mercredi 4 juin 2025

Mickaël Brun-Arnaud et Sanoe - Mémoires de la forêt, Tome 4 : La Saison des adieux

 

Auteur : Mickaël Brun-Arnaud
Dessinateur : Sanoe
Éditeur : Ecole des Loisirs
Parution : 16 octobre 2024
Pages : 328
EAN-13 : 978-2211331852



Autour de la famille Renard, on s'active aux préparatifs de l'anniversaire des quatre-vingts ans de la librairie de Bellécorce quand soudain, une branche craque. C'est le premier signe d'une terrible maladie : le croquebois. Pour en venir à bout, une seule solution : couper l'arbre. Mais, ça, Ernest Renard ne peut s'y résoudre. Le vieux chêne abrite les souvenirs et les oeuvres de sa mère, Anouchka. S'il disparaît, c'est aussi elle qui s'en ira encore un peu plus. À moins que l'arbre des souhaits, un pommier magique dont Anouchka lui avait parlé quand il était petit, n'accomplisse un miracle. Sa quête à travers la forêt lui réservera bien des pépins, et la vie à croquer.


Il est des livres qui referment leurs pages avec la douceur d'une caresse sur l'âme. La Saison des adieux, dernier acte des Mémoires de la forêt en est un.

Le vieux chêne de Bellécorce, rongé par le croquebois. Avec lui, c'est toute la mémoire d'une famille qui menace de disparaître. Mais à l'heure où tout semble décliner, c'est une promesse, nichée dans les mots d'une mère disparue, qui fait germer l'espoir. Commence alors une quête initiatique dans un univers où le passé se conjugue au présent pour mieux ouvrir un avenir apaisé.

Le choix du printemps comme cadre symbolique n'est pas anodin. Le style de l'auteur épouse cette saison : il est limpide, fluide, mais jamais mièvre. Il parle aux enfants avec des mots d'adultes et aux adultes avec une tendresse d'enfance retrouvée.

Ce printemps n'est pas celui du renouveau effervescent, mais celui de la transmission. On y quitte, mais on lègue aussi. Ernest, en partant vers l'arbre des souhaits, n'abandonne rien : il s'assure que ce qui a compté continue de vivre autrement. L'adieu, ici, est moins une fin qu'un passage.

Les illustrations de Sanoe prolongent le souffle du texte. L'écrit et l'image deviennent une fois encore complices.

Ce volume referme les Mémoires de la forêt avec une grande justesse : ni pathos, ni grandiloquence - juste la vérité d'un amour qui persiste, même au-delà de la disparition. C'est un roman qui nous dit doucement que l'adieu n'est jamais tout à fait une fin, mais parfois un début caché. Ce dernier tome n'enseigne pas seulement à se souvenir, mais à aimer sans posséder, à transmettre sans retenir. Un adieu, oui, mais offert à hauteur d'âme.

lundi 2 juin 2025

Rawia Arroum - Pärm

 

Auteur : Rawia Arroum
Éditeur : Scrineo
Parution : 27 février 2025
Pages : 498
EAN-13 : 978-2381672762



Un nouveau virus décime les territoires de Pärm et menace la paix.
Qui survivra à cette guerre des royaumes où tous les coups sont permis ?
Samden a reçu de Mère Nature une couronne de lauriers et le devoir de gouverner Sajar, l'un des royaumes de Pärm où règnent harmonieusement le vivant végétal et le savoir en médecine. Sur l'autre rive de la Mer Mère, le roi Gabril gouverne Saad, un territoire à son image : royal et somptueux. Gabril peut aussi compter sur la pluie, denrée maîtresse de Pärm, qui ne tombe que sur ses terres. Mais le monarque s'ennuie et rêve secrètement de terres à conquérir et de guerres à mener. Bientôt, dans chaque royaume, une tragédie frappe. Lors de la Cérémonie de la Récolte des Bourgeons, les fleurs géantes de Sajar s'ouvrent et révèlent la mort des nouveaux-nés. De même, lors de la Cérémonie d'Ouverture d'Écrins à Saad, les coffrets renferment de jeunes cadavres. Gabril voit là une occasion de partir en guerre contre le royaume à l'abandon de Sewda, alors que Samden se lance dans l'inconnu en traversant la Mer Mère, abandonnant malgré lui son peuple aux ravages de l'épidémie. Il navigue au-delà de l'Horizon, selon la mystérieuse formule que lui a léguée sa mère " Par-delà la rumeur, plus loin que les on-dit... ", cherchant à ses risques et périls comment éradiquer ce nouveau virus...


Avant toute chose, je tiens à remercier la maison d'édition Scrineo de m'avoir donné l'opportunité de découvrir ce roman via la plateforme NetGalley.

Je dois l'avouer d'emblée : ma lecture de Pärm ne s'est pas faite d'un trait. La première partie du roman m'a accompagnée pendant trois bonnes semaines (ce qui est bien trop long à mon goût et quelque peu frustrant). Non pas faute d'intérêt, mais par inadéquation d'humeur. Ce n'était tout simplement pas le bon moment pour ce type de lecture : exigeante, foisonnante, réclamant une vraie présence à soi... et à l'œuvre.
Néanmoins, après une petite pause, j'ai entamé la seconde partie et tout s'est accéléré. En moins d'une semaine, j'avais tourné la dernière page. Quelque chose s'était débloqué.

Ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est la richesse de l'univers que Rawia Arroum tisse patiemment. Toutefois, cette densité a un prix : il faut s'accrocher. Ce n'est pas un roman qui se laisse apprivoiser facilement. C'est un livre qui nécessite une lecture attentive.

Le style de l'autrice suit la même logique : il est travaillé, parfois lyrique, souvent introspectif. Elle ne cède jamais à la facilité. Cela donne un texte à la fois riche et élégant, mais qui demande une réelle implication de la part du lecteur.

L'intrigue de Pärm ne se livre pas sur un plateau : elle se dévoile par strates, comme un palimpseste qu'on lirait à la lueur d'une lampe vacillante. L'histoire semble d'abord floue, presque insaisissable, tant elle s'inscrit dans un monde aux règles singulières, dont le fonctionnement ne nous est pas immédiatement offert. Il faut du temps pour assembler les pièces, pour comprendre les enjeux, les forces en présence, les conflits sous-jacents. Cependant, ce flou initial est aussi ce qui rend la progression fascinante : on avance comme en exploration, entre révélations partielles et ellipses volontaires, avec la sensation que chaque chapitre est un pas vers une vérité qui refuse de se laisser dompter trop vite.  L'intrigue joue donc moins la carte du suspense classique que celle de la construction patiente d'un monde et de ses fêlures.

Les personnages de Pärm ne sont pas de ceux qu'on cerne d'un seul regard. Ils sont ambigus, souvent tiraillés. On sent que Rawia Arroum leur a insufflé une profondeur intérieure - une forme de trouble aussi parfois - qui les rend à la fois humains et insaisissables. Ils ne sont ni tout à fait héroïques, ni franchement condamnables. Ils évoluent dans une zone grise où les choix ne sont jamais simples, où les motivations restent en partie opaques. Ce sont des figures qui déroutent autant qu'elles fascinent, et dont l'évolution, bien que subtile, marque véritablement la seconde partie du roman. On finit par s'attacher à eux non pas parce qu'ils nous ressemblent, mais parce qu'ils portent en eux une tension universelle : celle de vouloir comprendre leur monde et d'y trouver une place.

En résumé, Pärm est un roman qu'il faut apprivoiser, accepter de lire lentement, avec attention, en se laissant happer par sa complexité.
Ce roman ne plaira pas à tout le monde, mais il saura ravir celles et ceux en quête d'un univers original, profond et d'une écriture exigeante.