samedi 27 décembre 2025

Cécile Becq et Franck Manguin - Ama, le souffle des femmes

 

Auteurs : Cécile Becq et Franck Manguin
Dessinateur : Cécile Becq
Éditeur : Sarbacane
Parution : 27 mai 2020
Pages : 112
EAN-13 : 978-2377314034


Japon, fin des années 1960. Nagisa, jeune citadine tokyoïte aux manières policées et pudiques, débarque avec son paquetage sur Hegura, petite île de pêcheurs reculée. Là, elle est adoptée par Isoé, la cheffe de la communauté des « Ama » qui gouverne l’île. Les Ama, ces « femmes de la mer » brutes, fortes et sauvages qui plongent en apnée, nues, pour pêcher des coquillages… Choc intime et culturel, ce mode de vie rural et indépendant est progressivement investi par la timide Nagisa, qui fuit son passé.




La bande dessinée Ama propose un récit à la fois sensible et réfléchi, qui se distingue par son atmosphère contemplative et son engagement thématique. L’histoire prend le temps de s’installer, privilégiant l’émotion et l’introspection plutôt qu’une action soutenue, ce qui permet au lecteur de s’immerger pleinement dans l’univers et le parcours de son héroïne.

L’album développe un message fort sur la place de la femme, en s’inscrivant dans un univers matriarcal. Les femmes y occupent des rôles centraux de pouvoir, de transmission et de décision. Toutefois, ce matriarcat n’est pas idéalisé : à travers la représentation de la communauté des ama, le récit montre que l’autorité, même exercée par des femmes, peut devenir oppressante lorsqu’elle repose sur des traditions rigides. La bande dessinée interroge ainsi la liberté individuelle et la difficulté de s’émanciper des rôles imposés.

La tradition est en effet au cœur du récit. Elle est présentée comme un héritage précieux, porteur d’identité et de cohésion sociale, mais aussi comme un frein à l’évolution lorsque le respect des coutumes empêche toute remise en question. Ama met en lumière la tension entre transmission et adaptation, notamment face aux bouleversements du monde contemporain.

L’album aborde également une dimension écologique importante, en particulier à travers le thème de la surpêche. La mer, omniprésente, est à la fois source de vie et symbole d’un équilibre fragile menacé par l’exploitation excessive des ressources. Ce message écologique est renforcé par le travail graphique : les couleurs inspirées de la mer, dominées par le bleu, créent une ambiance poétique et parfois mélancolique, tout en reflétant les émotions des personnages et les tensions du récit.

Cependant, certains choix narratifs peuvent diviser. Le rythme volontairement lent et suggestif pourra dérouter les lecteurs en quête d’une intrigue plus dynamique. De plus, la fin peut sembler un peu précipitée, laissant une impression d’inachevé.

En conclusion, Ama est une bande dessinée engagée, poétique et profonde, qui invite à réfléchir sur la place des femmes, le poids des traditions et la responsabilité écologique. Malgré une conclusion un peu abrupte, l’album séduit par la richesse de ses thèmes et la finesse de son univers.

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