Auteurs : Cécile Becq et Franck Manguin
Dessinateur : Cécile Becq
Éditeur : Sarbacane
Parution : 27 mai 2020
Pages : 112
EAN-13 : 978-2377314034
Japon, fin des années 1960. Nagisa, jeune citadine tokyoïte aux manières policées et pudiques, débarque avec son paquetage sur Hegura, petite île de pêcheurs reculée. Là, elle est adoptée par Isoé, la cheffe de la communauté des « Ama » qui gouverne l’île. Les Ama, ces « femmes de la mer » brutes, fortes et sauvages qui plongent en apnée, nues, pour pêcher des coquillages… Choc intime et culturel, ce mode de vie rural et indépendant est progressivement investi par la timide Nagisa, qui fuit son passé.
La bande dessinée Ama propose un récit à la fois sensible et réfléchi, qui se distingue par son atmosphère contemplative et son engagement thématique. L’histoire prend le temps de s’installer, privilégiant l’émotion et l’introspection plutôt qu’une action soutenue, ce qui permet au lecteur de s’immerger pleinement dans l’univers et le parcours de son héroïne.
L’album développe un message
fort sur la place de la femme, en s’inscrivant dans un univers matriarcal. Les
femmes y occupent des rôles centraux de pouvoir, de transmission et de
décision. Toutefois, ce matriarcat n’est pas idéalisé : à travers la
représentation de la communauté des ama, le récit montre que l’autorité, même
exercée par des femmes, peut devenir oppressante lorsqu’elle repose sur des
traditions rigides. La bande dessinée interroge ainsi la liberté individuelle
et la difficulté de s’émanciper des rôles imposés.
La tradition est en effet au
cœur du récit. Elle est présentée comme un héritage précieux, porteur
d’identité et de cohésion sociale, mais aussi comme un frein à l’évolution
lorsque le respect des coutumes empêche toute remise en question. Ama
met en lumière la tension entre transmission et adaptation, notamment face aux
bouleversements du monde contemporain.
L’album aborde également une dimension
écologique importante, en particulier à travers le thème de la surpêche. La
mer, omniprésente, est à la fois source de vie et symbole d’un équilibre
fragile menacé par l’exploitation excessive des ressources. Ce message
écologique est renforcé par le travail graphique : les couleurs inspirées de la
mer, dominées par le bleu, créent une ambiance poétique et parfois
mélancolique, tout en reflétant les émotions des personnages et les tensions du
récit.
Cependant, certains choix
narratifs peuvent diviser. Le rythme volontairement lent et suggestif pourra
dérouter les lecteurs en quête d’une intrigue plus dynamique. De plus, la fin
peut sembler un peu précipitée, laissant une impression d’inachevé.
En conclusion, Ama est
une bande dessinée engagée, poétique et profonde, qui invite à réfléchir sur la
place des femmes, le poids des traditions et la responsabilité écologique.
Malgré une conclusion un peu abrupte, l’album séduit par la richesse de ses
thèmes et la finesse de son univers.


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