Auteur / Dessinateur : Fabien Toulmé
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
Parution : 3 septembre 2025
Pages : 272
EAN-13 : 978-2413088165
Ex-ingénieur en plein doute, Ivan a accepté un poste d'Accompagnant d'Elève en Situation de Handicap en ULIS. Face à cette classe pas comme les autres, à Matisse, l'élève qu'il accompagne, et à une équipe éprouvée par un système à bout de souffle, saura-t-il trouver sa place ? Une aventure intense, entre luttes, émotions brutes et instants lumineux. Un récit poignant sur l'inclusion et la résilience.
Il y a des livres qui vous
attrapent sans faire de bruit, comme une main posée sur l’épaule, légère mais
insistante. ULIS de Fabien Toulmé fait partie de ceux-là. On l’ouvre
sans attente particulière, pensant feuilleter une bande dessinée documentaire
de plus et l’on se retrouve quelques pages plus loin à ressentir une étrange
intimité avec ces enfants, ces adultes qui les accompagnent, ce monde qu’on
croyait connaître et qu’on découvre sous un autre angle.
Ce qui frappe d’emblée, c’est
la justesse. Pas la justesse démonstrative, celle qui veut prouver, convaincre,
s’imposer — non : une justesse douce, pudique, presque effacée. L’auteur
observe. Il écoute. Il accueille. Il restitue l’ordinaire d’une classe ULIS
avec une attention qui fait penser aux gestes minuscules. On sent le souci de
vérité, mais sans pathos ; la volonté de comprendre, mais sans disséquer.
Le dessin participe à cette
retenue. Un trait simple, presque dépouillé, qui laisse respirer les pages.
Rien de spectaculaire : des visages ouverts, des regards qui disent plus que
les mots, des silences qui s’étirent entre deux cases comme une respiration
nécessaire. Tout est à hauteur humaine. À hauteur d’élève même. On n’est jamais
dans la démonstration graphique, mais dans l’attentive traduction du réel. Et
ce réel, Fabien Toulmé le connaît : son immersion auprès des classes ULIS se
lit à chaque geste, chaque inflexion, chaque hésitation du récit. Rien ne sonne
faux.
Le personnage d’Ivan,
ingénieur en reconversion après un burn-out, sert de guide dans cet univers.
C’est à travers ses doutes, ses maladresses, ses enthousiasmes parfois naïfs
que l’on entre dans le quotidien des AESH et des élèves qu’ils accompagnent. Il
est imparfait et c’est ce qui le rend profondément attachant. On suit sa
trajectoire comme on suivrait quelqu’un qui apprend à marcher de nouveau : avec
une sorte d’empathie instinctive, de tendresse involontaire. Ses moments de
fatigue, de lassitude, de découragement ne sont jamais dramatisés — ils sont
vécus, simplement, sans fard. C’est précisément dans cette simplicité que le
récit gagne en densité.
ULIS est aussi un livre
qui choisit la nuance. On pourrait imaginer qu’il tape du poing sur la table,
qu’il dénonce frontalement les manques, les injustices, les aberrations du
système éducatif. Il pourrait. Il ne le fait pas. Fabien Toulmé reste dans la
demi-teinte, dans l’observation plus que dans la condamnation.
Certains lecteurs pourraient
regretter cette absence de colère explicite, cette façon d’effleurer les enjeux
sans s’y engouffrer.
Pourtant, ce choix lui permet
de préserver une forme de délicatesse, de respect pour les personnes qui vivent
tout cela au quotidien — une forme de pudeur qui, selon les sensibilités,
touchera profondément ou frôlera trop légèrement.
On pourrait parfois souhaiter
que certains personnages secondaires — élèves, professeurs, accompagnants —
existent davantage, dépassent le rôle assigné par le récit. Néanmoins,
peut-être est-ce justement ce manque qui dit quelque chose de notre rapport au
handicap et à l’école inclusive : tant de visages qu’on aperçoit sans les
regarder vraiment, tant de trajectoires qui ne nous sont dévoilées qu’en
fragments.
En refermant cet
ouvrage, on n’a pas appris des « vérités » sur l’éducation inclusive ; on a
plutôt rencontré des êtres humains. On n’a pas reçu un réquisitoire ; on a
partagé un quotidien. On ne ressort pas armé de certitudes ; on sort plus
attentif, plus humain peut-être — comme si ce livre avait discrètement déplacé
quelque chose en nous.
C’est une bande dessinée qui
demande de la disponibilité, de la douceur, un peu de lenteur. Ceux qui
attendent un récit intense, dramatique, rythmé, n’y trouveront pas leur compte.
Cependant, pour les autres — ceux qui aiment qu’un livre les accompagne plutôt
qu’il les secoue, qu’il prenne le temps de s’installer dans un coin de leur
regard — ULIS est une lecture précieuse, aussi discrète que nécessaire.


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