samedi 14 juin 2025

Alain Ayroles, Hervé Tanquerelle et Isabelle Merlet - La Terre verte

Auteur : Alain Ayroles
Dessinateur : Hervé Tanquerelle
Coloriste : Isabelle Merlet
Éditeur : Delcourt
Parution : 9 avril 2025
Pages : 256
EAN-13 : 978-2413076780


Aux derniers temps du Moyen Age, les ultimes descendants des Vikings tentent désespérément de survivre sur les rivages glacés du Groenland. Un homme au lourd passé, en quête d'une seconde chance, débarque parmi eux. Leur apportera-t-il le salut ou précipitera-t-il l'effondrement de la "Terre verte" ?


Je remercie les éditions Delcourt de m'avoir permis de découvrir cet ouvrage via la plateforme NetGalley.

En toute transparence, lorsque j'ai commencé ma lecture, je n'avais plus en tête le résumé de ce récit. On nous propose ici une uchronie réaliste se déroulant dans les paysages glacés du Groenland.
On nous livre une version crédible d'un monde qui aurait pu exister. Tout est plausible, documenté, solidement ancré dans l'histoire. Le travail documentaire est solide, les références historiques et anthropologiques sont bien intégrées sans être pesantes.
L'uchronie sert avant tout de cadre à une réflexion sur le pouvoir, la mémoire et les choix individuels. Richard est présenté comme un personnage ambivalent, entre remords, ambition et résilience.

Graphiquement, une véritable atmosphère est créée : les paysages glacés, les visages burinés, les couleurs discrètes mais efficaces, ... Tout cela renforce la sensation de froid, de tension et d'enfermement.

Malgré cette richesse visuelle et contextuelle, mon ressenti est en demi-teinte.
La figure centrale du récit peine à susciter l'empathie, et ce malgré sa complexité. Il est tout en retenue, ce qui rend difficile l'implication du lecteur. Il en va de même pour plusieurs personnages secondaires : bien caractérisés, mais pas toujours pleinement exploités.
Le récit semble vouloir beaucoup dire - sur le pouvoir, l'exil, la mémoire, la foi, la survie - mais le fil rouge se dilue parfois dans une narration trop cérébrale. On sent la volonté d'intellectualiser, de donner du poids historique et symbolique à chaque dialogue ou confrontation. Malheureusement, cela se fait parfois au détriment de l'émotion ou de la tension dramatique.

La Terre verte est une œuvre ambitieuse. Elle propose une vision originale d'un monde oublié, entre Histoire et fiction. Toutefois, cette ambition freine par moment l'élan narratif. L'album impressionne plus qu'il n'emporte et laisse une sensation de distance : intellectuellement stimulant, mais émotionnellement un peu froid.

samedi 7 juin 2025

Mois de la Fantasy 2025

 

Le mois de mai vient de se terminer et avec lui le challenge Mois de la Fantasy organisé par Stéphanie (alias Pikiti bouquine).

Ce mois est passé très vite.
Le genre SFFF (Science-fiction, Fantastique et Fantasy) est mon genre de prédilection. Néanmoins, je me suis laissée libre de lire ce que je souhaitais : aucune pression.
Afin de valider certaines catégories, j'ai plus axé sur le côté Imaginaire que Fantasy (Est-ce de la triche ? J'assume complétement !).


Pärm correspond plus au mot-clé "Quête" que "Cosy fantasy" évidemment.


Dernier acte des Mémoires de la forêt qui a su toucher mon petit cœur.


Une agréable découverte ! Hâte de connaître la suite !


Je ne sais pas vraiment où classer cet ouvrage graphique. En tout cas, il rentre parfaitement dans la catégorie "Horreur" !


A première vue, U4 est plutôt une série de science-fiction. Toutefois, il y a un élément lié à Koridwen qui, pour moi, relève du fantastique.

J'ai été moins "sérieuse" cette année que les éditions précédentes. Néanmoins, je prends toujours ce challenge sous le signe du plaisir et non sous un aspect de compétition ou de défi. La Fantasy restera de toute façon un de mes genres favoris.
Au final, je ne m'en sors pas si mal que cela, je trouve !

Et vous ? Avez-vous participé ?

mercredi 4 juin 2025

Mickaël Brun-Arnaud et Sanoe - Mémoires de la forêt, Tome 4 : La Saison des adieux

 

Auteur : Mickaël Brun-Arnaud
Dessinateur : Sanoe
Éditeur : Ecole des Loisirs
Parution : 16 octobre 2024
Pages : 328
EAN-13 : 978-2211331852



Autour de la famille Renard, on s'active aux préparatifs de l'anniversaire des quatre-vingts ans de la librairie de Bellécorce quand soudain, une branche craque. C'est le premier signe d'une terrible maladie : le croquebois. Pour en venir à bout, une seule solution : couper l'arbre. Mais, ça, Ernest Renard ne peut s'y résoudre. Le vieux chêne abrite les souvenirs et les oeuvres de sa mère, Anouchka. S'il disparaît, c'est aussi elle qui s'en ira encore un peu plus. À moins que l'arbre des souhaits, un pommier magique dont Anouchka lui avait parlé quand il était petit, n'accomplisse un miracle. Sa quête à travers la forêt lui réservera bien des pépins, et la vie à croquer.


Il est des livres qui referment leurs pages avec la douceur d'une caresse sur l'âme. La Saison des adieux, dernier acte des Mémoires de la forêt en est un.

Le vieux chêne de Bellécorce, rongé par le croquebois. Avec lui, c'est toute la mémoire d'une famille qui menace de disparaître. Mais à l'heure où tout semble décliner, c'est une promesse, nichée dans les mots d'une mère disparue, qui fait germer l'espoir. Commence alors une quête initiatique dans un univers où le passé se conjugue au présent pour mieux ouvrir un avenir apaisé.

Le choix du printemps comme cadre symbolique n'est pas anodin. Le style de l'auteur épouse cette saison : il est limpide, fluide, mais jamais mièvre. Il parle aux enfants avec des mots d'adultes et aux adultes avec une tendresse d'enfance retrouvée.

Ce printemps n'est pas celui du renouveau effervescent, mais celui de la transmission. On y quitte, mais on lègue aussi. Ernest, en partant vers l'arbre des souhaits, n'abandonne rien : il s'assure que ce qui a compté continue de vivre autrement. L'adieu, ici, est moins une fin qu'un passage.

Les illustrations de Sanoe prolongent le souffle du texte. L'écrit et l'image deviennent une fois encore complices.

Ce volume referme les Mémoires de la forêt avec une grande justesse : ni pathos, ni grandiloquence - juste la vérité d'un amour qui persiste, même au-delà de la disparition. C'est un roman qui nous dit doucement que l'adieu n'est jamais tout à fait une fin, mais parfois un début caché. Ce dernier tome n'enseigne pas seulement à se souvenir, mais à aimer sans posséder, à transmettre sans retenir. Un adieu, oui, mais offert à hauteur d'âme.

lundi 2 juin 2025

Rawia Arroum - Pärm

 

Auteur : Rawia Arroum
Éditeur : Scrineo
Parution : 27 février 2025
Pages : 498
EAN-13 : 978-2381672762



Un nouveau virus décime les territoires de Pärm et menace la paix.
Qui survivra à cette guerre des royaumes où tous les coups sont permis ?
Samden a reçu de Mère Nature une couronne de lauriers et le devoir de gouverner Sajar, l'un des royaumes de Pärm où règnent harmonieusement le vivant végétal et le savoir en médecine. Sur l'autre rive de la Mer Mère, le roi Gabril gouverne Saad, un territoire à son image : royal et somptueux. Gabril peut aussi compter sur la pluie, denrée maîtresse de Pärm, qui ne tombe que sur ses terres. Mais le monarque s'ennuie et rêve secrètement de terres à conquérir et de guerres à mener. Bientôt, dans chaque royaume, une tragédie frappe. Lors de la Cérémonie de la Récolte des Bourgeons, les fleurs géantes de Sajar s'ouvrent et révèlent la mort des nouveaux-nés. De même, lors de la Cérémonie d'Ouverture d'Écrins à Saad, les coffrets renferment de jeunes cadavres. Gabril voit là une occasion de partir en guerre contre le royaume à l'abandon de Sewda, alors que Samden se lance dans l'inconnu en traversant la Mer Mère, abandonnant malgré lui son peuple aux ravages de l'épidémie. Il navigue au-delà de l'Horizon, selon la mystérieuse formule que lui a léguée sa mère " Par-delà la rumeur, plus loin que les on-dit... ", cherchant à ses risques et périls comment éradiquer ce nouveau virus...


Avant toute chose, je tiens à remercier la maison d'édition Scrineo de m'avoir donné l'opportunité de découvrir ce roman via la plateforme NetGalley.

Je dois l'avouer d'emblée : ma lecture de Pärm ne s'est pas faite d'un trait. La première partie du roman m'a accompagnée pendant trois bonnes semaines (ce qui est bien trop long à mon goût et quelque peu frustrant). Non pas faute d'intérêt, mais par inadéquation d'humeur. Ce n'était tout simplement pas le bon moment pour ce type de lecture : exigeante, foisonnante, réclamant une vraie présence à soi... et à l'œuvre.
Néanmoins, après une petite pause, j'ai entamé la seconde partie et tout s'est accéléré. En moins d'une semaine, j'avais tourné la dernière page. Quelque chose s'était débloqué.

Ce qui frappe avant tout dans ce roman, c'est la richesse de l'univers que Rawia Arroum tisse patiemment. Toutefois, cette densité a un prix : il faut s'accrocher. Ce n'est pas un roman qui se laisse apprivoiser facilement. C'est un livre qui nécessite une lecture attentive.

Le style de l'autrice suit la même logique : il est travaillé, parfois lyrique, souvent introspectif. Elle ne cède jamais à la facilité. Cela donne un texte à la fois riche et élégant, mais qui demande une réelle implication de la part du lecteur.

L'intrigue de Pärm ne se livre pas sur un plateau : elle se dévoile par strates, comme un palimpseste qu'on lirait à la lueur d'une lampe vacillante. L'histoire semble d'abord floue, presque insaisissable, tant elle s'inscrit dans un monde aux règles singulières, dont le fonctionnement ne nous est pas immédiatement offert. Il faut du temps pour assembler les pièces, pour comprendre les enjeux, les forces en présence, les conflits sous-jacents. Cependant, ce flou initial est aussi ce qui rend la progression fascinante : on avance comme en exploration, entre révélations partielles et ellipses volontaires, avec la sensation que chaque chapitre est un pas vers une vérité qui refuse de se laisser dompter trop vite.  L'intrigue joue donc moins la carte du suspense classique que celle de la construction patiente d'un monde et de ses fêlures.

Les personnages de Pärm ne sont pas de ceux qu'on cerne d'un seul regard. Ils sont ambigus, souvent tiraillés. On sent que Rawia Arroum leur a insufflé une profondeur intérieure - une forme de trouble aussi parfois - qui les rend à la fois humains et insaisissables. Ils ne sont ni tout à fait héroïques, ni franchement condamnables. Ils évoluent dans une zone grise où les choix ne sont jamais simples, où les motivations restent en partie opaques. Ce sont des figures qui déroutent autant qu'elles fascinent, et dont l'évolution, bien que subtile, marque véritablement la seconde partie du roman. On finit par s'attacher à eux non pas parce qu'ils nous ressemblent, mais parce qu'ils portent en eux une tension universelle : celle de vouloir comprendre leur monde et d'y trouver une place.

En résumé, Pärm est un roman qu'il faut apprivoiser, accepter de lire lentement, avec attention, en se laissant happer par sa complexité.
Ce roman ne plaira pas à tout le monde, mais il saura ravir celles et ceux en quête d'un univers original, profond et d'une écriture exigeante.

samedi 31 mai 2025

Pierre-Paul Renders, Denis Lapière et Adrián Huelva - U4 : Khronos

 

 Auteurs : Pierre-Paul Renders et Denis Lapière
Dessinateur : Adrián Huelva
Éditeur : Dupuis
Parution : 7 janvier 2022
Pages : 144
EAN-13 : 979-1034737765


Jules, Koridwen, Yannis et Stéphane sont enfin réunis à Paris. Mais pas en tant qu'amis, puisque Steph tient en joue Kori et Jules avec son arme... Une situation que les militaires, traquant les ados ayant survécu à la pandémie U4, vont vite aplanir en incendiant les lieux où le quatuor s'était dissimulé ! Découvrant qu'ils sont tous fans du jeu « Warriors of Time » (WOT) et tous convoqués par le maître du jeu Khronos, Jules, Koridwen, Yannis et Stéphane comprennent qu'ils doivent unir leurs forces. Parviendront-ils à remonter le temps, afin d'empêcher l'apocalypse qui a dévasté la planète ? Ou bien Kronos leur réserve-t-il quelques (mauvaises) surprises ? Avoir la même passion pour un jeu en ligne ne signifie pas avoir les mêmes croyances ni la même vision de l'avenir...



Après avoir vécu quatre effondrements (Stéphane, Koridwen, Yannis et Jules), U4 : Khronos s'annonçait comme la clef de voûte, le tome-miroir censé réconcilier les points de vue et refermer les parenthèses laissées ouvertes. Toutefois, ce n'est pas exactement ce que j'y ai trouvé.

On entre dans cette lecture avec cette idée tenace : comprendre enfin ce qu'était U4, ce que signifiait réellement le compte à rebours de Khronos. En un sens, on obtient des fragments de réponses, des révélations en biais, mais jamais la ligne droite, la lumière pleine. Ce choix me questionne. Ce flou m'a beaucoup frustrée. Ce volume embrasse l'ellipse, le paradoxe, la déchirure temporelle, au risque de perdre en densité ce qu'il gagne en mystère.
La promesse de clore l'aventure se heurte à une fin qui ne tranche pas, ne résout pas. Elle semble, au contraire, relancer le doute comme une fin en soi.
Khronos, serait-il un reflet imparfait des quatre premiers opus ? Un prisme où leurs récits se diffractent. Une œuvre qui interroge la narration elle-même : peut-on vraiment raconter la fin d'un monde ? Peut-on figer la vérité quand tout vacille ?
Si l'intention est audacieuse, elle laisse une part du lecteur sur le seuil, les bras pleins de questions. C'est sans doute cela qui m'a laissé une impression de manque. Je voulais comprendre. J'espérais, sinon une réponse, du moins une sensation de clôture. Or, le dernier mot est un point d'interrogation.

La série U4 s'achève non pas dans la clarté, mais dans l'incertitude. Cela fait que je ne sais que penser de la série dans sa globalité. L'univers est fort et la proposition originale. Mais cette fin, ou plutôt ce refus de fin, me laisse trop dubitative. Ce sentiment d'inachèvement fragilise à mes yeux la force du projet.
U4 reste une œuvre intéressante malgré mon incertitude. Peut-être est-ce cela le vrai choc de cette lecture : rester suspendue, là où j'attendais une dernière vérité.

mercredi 28 mai 2025

Pierre-Paul Renders, Denis Lapière et Adrián Huelva - U4 : Jules


 Auteurs : Pierre-Paul Renders et Denis Lapière
Dessinateur : Adrián Huelva
Éditeur : Dupuis
Parution : 7 janvier 2022
Pages : 144
EAN-13 : 979-1034736355


« Je m'appelle Jules. Ce rendez-vous, j'y vais parce que j'y crois ». Paris. Jules vit reclus dans l'appartement familial du boulevard Saint-Michel depuis l'explosion du virus U4, qui a exterminé en dix jours la population, à l'exception des adolescents. Alors que les rues jonchées de cadavres sont le domaine des gangs violents, le garçon prend le risque de sortir pour trouver de la nourriture. Pour se donner du courage, il se met dans la peau du guerrier impavide qu'il incarne dans son jeu en ligne préféré, « Warriors of Time » (WOT). Les ados qu'il va croiser là-dehors seront-ils des ennemis féroces ou des alliés mus par un désir d'entraide ? Qu'est devenu son frère Pierre, qui avait un problème de drogue ? Leurs parents qui étaient à l'étranger sont-ils vraiment morts ? Les quelques militaires survivants sont-ils bienveillants ? Pour ne pas devenir fou, Jules s'accroche à son objectif : survivre jusqu'au jour du rendez-vous avec l'énigmatique Khronos, le maître du jeu. Se pourrait-il qu'il soit aussi le Maître du Temps ?



Dernier point de vue qu'il me restait à découvrir avant le grand final. Jules ne m'était pas inconnu car on a eu l'occasion de le croiser dans le volume sur Koridwen.

Jules n'est pas un héros et ne cherche pas à l'être. Dans un Paris vidé de ses habitants et où une guerre de gangs est née, il avance avec ses failles, ses élans et ses maladresses. Là où Yannis lutte pour sa rédemption, où Koridwen cherche un sens ancien dans le chaos et où Stéphane s'accroche à la justice avec une énergie farouche, Jules, lui, doute. Il aime, il craint, il ment parfois. Jules veut protéger. Il veut comprendre. Il veut aimer. Il est tout simplement humain.

Parmi les quatre, Jules est celui qui m'a le plus marqué. Non pas parce qu'il est le plus courageux, mais parce qu'il est, peut-être, le plus vrai.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à découvrir l'ultime opus de cette série.

lundi 26 mai 2025

Pierre-Paul Renders, Denis Lapière et Adrián Huelva - U4 : Yannis

Auteurs : Pierre-Paul Renders et Denis Lapière
Dessinateur : Adrián Huelva
Éditeur : Dupuis
Parution : 7 janvier 2022
Pages : 144
EAN-13 : 979-1034737758


« Je m'appelle Yannis. Ce rendez-vous, j'y vais pour rester libre. » Yannis vit à Marseille. Ses parents et sa petite soeur sont morts du virus U4, qui a décimé 90 % de la population mondiale en à peine dix jours. Lourd de culpabilité de n'avoir pu enterrer ses proches, Yannis voit leurs fantômes un peu partout et commence à douter de sa raison... Heureusement qu'il lui reste le fidèle Happy, son chien. Dehors, ils découvrent horrifié une ville où brûlent des bûchers de cadavres, une ville prise d'assaut par les rats et les goélands, mais aussi par des jeunes prêts à tuer ceux qui ne font pas partie de leur bande. Yannis réussit à échapper aux patrouilles... mais à peine a-t-il retrouvé son meilleur ami que celui-ci se fait tuer sous ses yeux. Trouvant un scooter, il décide de fuir Marseille et de s'accrocher à son dernier espoir : un rendez-vous fixé à Paris par le mystérieux Khronos, qui les a convoqué, lui et tous les autres experts de son jeu en ligne préféré : « Warriors of time »...



Je poursuis ma découverte de l'univers d'U4. Après Stéphane et Koridwen, c'est au tour de Yannis (que l'on croise d'ailleurs dans le point de vue de Stéphane).

Yannis est un adolescent marseillais que la mort de sa famille laisse orphelin, autant de repères que d'amour. Ce volume a une approche très introspective. L'intrigue, structurée autour d'un voyage vers Paris pour une mystérieuse convocation, est moins une progression narrative qu'une traversée existentielle, où chaque étape semble autant géographique que symbolique.

Yannis est profondément humain : il doute, il pleure, il se raccroche à des souvenirs comme à des bouées (le chien qu'il ne peut abandonner, les fantômes de sa famille, ...). Il est en quête de sens.

On sort de cette lecture avec le sentiment étrange d'avoir effleuré quelque chose d'essentiel, non pas une morale mais un constat : celui de la résilience fragile de l'humain face à l'absurde, du besoin irrépressible de lien même dans un monde déserté, et de cette part d'enfance que l'on tente de préserver alors même qu'elle semble condamnée à disparaître.

Il me reste encore deux volumes pour terminer cette quête. Je suis curieuse de voir de quelle manière tous ces destins vont s'entrecouper et se retrouver.

samedi 24 mai 2025

Pierre-Paul Renders, Denis Lapière et Adrián Huelva - U4 : Koridwen

 

Auteurs : Pierre-Paul Renders et Denis Lapière
Dessinateur : Adrián Huelva
Éditeur : Dupuis
Parution : 7 janvier 2022
Pages : 144
EAN-13 : 979-1034737734


« Je m'appelle Koridwen. Ce rendez-vous, j'y vais pour savoir qui je suis ». Menesguen, un hameau en Bretagne. Suite aux ravages du virus U4 qui a exterminé en dix jours toute la population, Koridwen se retrouve seule et désespérée dans la ferme familiale. Avec l'aide du vieil Yffig, elle a inhumé sa mère et les huit autres habitants du coin. Et lorsqu'Yffig est mort, Koridwen l'a enterré lui aussi, en attendant son tour. Mais son tour ne vient pas. Étrangement, beaucoup des adolescents de son âge semblent avoir survécu. Avant de mourir, sa mère lui a confié une enveloppe laissée par sa grand-mère, à ouvrir le jour de ses quinze ans. Cette lettre, qui parle d'un long voyage et de mondes parallèles, fait étrangement écho au message reçu sur son jeu en ligne préféré, « Warriors of Time ». Un message où le mystérieux Khronos lui donne rendez-vous à Paris avec les autres experts du jeu, qu'elle n'a jamais vus en vrai... Intriguée, Koridwen, qui songeait à en finir de la vie, décide d'aller chercher son cousin Max, dans son institut pour jeunes handicapés, et de se rendre avec lui en tracteur à la capitale...



Après ma lecture du volume raconté du point de vue de Stéphane, j'ai enchaîné avec celui de Koridwen. Celui-ci a une dimension assez différente pour le coup.

La fin de la civilisation se donne à voir non pas à travers l'effroi spectaculaire, mais à travers l'épure, le silence et les paysages d'une Bretagne livrée à elle-même.
Au cœur de cette désolation post-pandémique, Koridwen est une adolescente rurale et taiseuse. Elle hérite d'un monde brisé et d'un monde familial imprégné de rites anciens. Ce double héritage (celui des morts et celui des vivants) irrigue toute la bande dessinée d'une tension singulière : entre survie et transmission, entre déroute et résistance.
La narration épouse le rythme d'un lent exode, une marche à travers un pays désolé où la menace ne vient plus du virus lui-même, mais des survivants, de la peur, de l'instinct de domination. Le récit, plutôt que de chercher l'héroïsme, s'attache à des détails : un geste protecteur, un regard méfiant, un souvenir qui affleure. Le scénario tisse avec sobriété une trame humaine où les dilemmes moraux (tuer ou faire confiance, fuir ou protéger) deviennent les vrais moteurs du suspense.
Au fil des pages, un autre fil se dessine : celui d'une mémoire plus ancienne, enracinée dans la terre bretonne. Le récit s'ouvre parfois à des éclats plus symboliques, presque mystiques, liés à l'histoire familiale de Koridwen, marquée par les traditions rurales, les herbes médicinales, les signes. Ces incursions donnent à l'ensemble une tonalité particulière, entre réalisme brut et poésie voilée.

En résumé, ce volume privilégie l'humain à l'action, le sensible au spectaculaire. Je me suis plus attachée à Koridwen qu'à Stéphane. C'est une œuvre qui parle moins de fin du monde que ce qu'il reste quand tout s'effondre : la responsabilité, la mémoire et le choix de rester humain. Ce volume prend une tournure inattendue pour ma part. Je me demande à quoi cela va aboutir dans le final de cette aventure.

mercredi 21 mai 2025

James Tynion IV et Christian Ward - Spectregraph


Auteur :
James Tynion IV
Dessinateur : Christian Ward
Éditeur : Delcourt
Parution : 26 mars 2025
Pages : 224
EAN-13 : 978-2413088523


Un manoir étrange, niché sur la côte, à quelques kilomètres au nord de Los Angeles... Des rumeurs courent... On le dit hanté... Son propriétaire était un magnat de l'industrie, avec une étrange fascination pour l'occulte et le paranormal. Depuis des décennies, les hommes et les femmes les plus riches du pays cherchent à comprendre ce qu'il y construisait. Maintenant, alors qu'il vient de mourir, ils ont hâte de le découvrir...

Je remercie les éditions Delcourt de m'avoir donné l'opportunité de découvrir cet ouvrage via la plateforme NetGalley.

Au début de ma lecture, je ne cache pas avoir été dubitative. Ma première impression de Janie a été particulièrement mauvaise. Le style graphique ne m'a pas attirée.
Et pourtant, j'ai fini par me laisser prendre par cette histoire de fantômes ! Une fois entrée dans l'histoire, je voulais en connaître le fin mot.

Les personnages gagnent en profondeur au fil des pages. On explore leurs luttes internes, ce qui les rend plus humains. J'ai apprécié la dynamique entre Janie et Vesper qui ajoute une charge émotionnelle à l'intrigue.

Le style graphique est original, peut-être un peu trop à mon goût. Les compositions sont dynamiques et couplées à l'utilisation de la couleur, cela renforce l'atmosphère étrange et inquiétante du récit. Les transitions de planches et les choix de mise en page, notamment l'utilisation de panneaux superposés, plongent le lecteur dans l'esprit des personnages et amplifient le sentiment de malaise. Malgré (ou à cause de) cette richesse visuelle, certains passages deviennent difficiles à suivre. Cela nuit à la lisibilité de l'intrigue. L'effet est beau mais confus.

Je ressors donc de cette lecture avec un avis nuancé. Le scénario est peut-être trop abstrait pour moi. J'ai apprécié l'ambiance qui en ressort mais pas suffisamment pour être conquise.

lundi 19 mai 2025

Pierre-Paul Renders, Denis Lapière et Adrián Huelva - U4 : Stéphane

 

Auteurs : Pierre-Paul Renders et Denis Lapière
Dessinateur : Adrián Huelva
Éditeur : Dupuis
Parution : 7 janvier 2022
Pages : 144
EAN-13 : 979-1034737741


« Je m'appelle Stéphane. Ce rendez-vous, j'y vais pour retrouver mon père ». Avant le virus, Stéphane menait à Lyon la vie tranquille d'une élève bourgeoise en compagnie de son père, éminent épidémiologiste. La pandémie U4 a exterminé en dix jours toute la population, à l'exception des adolescents. Mais Stéphane a une conviction : son père a survécu, protégé par l'armée, et il cherche une solution à la pandémie. Plutôt que de rejoindre le R-Point où la majorité des jeunes s'organisent, sous la supervision des rares militaires survivants, elle préfère rester seule à l'appartement pour attendre le retour de son père... C'est un choix risqué : l'anarchie rampante progresse et plonge peu à peu Lyon dans le chaos... Stéphane ne croit pas à cet étrange rendez-vous à Paris pour les joueurs experts de Warriors of Time, mais les circonstances vont peut-être la faire changer d'avis...



J'avais entendu beaucoup de bien de la série de romans U4 écrit par Florence Hinckel (que j'ai connu avec son œuvre Renversante), Vincent Villeminot, Carole Trébor et Yves Grevet. Pourtant, je n'ai pas pris le temps de les découvrir. Au final, c'est à travers son adaptation graphique que je suis entrée dans ce récit post-apocalyptique.

Le récit est découpé de manière efficace, ce qui permet une lecture fluide et immersive.
Stéphane est un personnage rationnel et pragmatique. Elle apporte une réflexion scientifique et éthique à l'intrigue. Je ne me suis pas particulièrement sentie émotionnellement touchée par son histoire. Elle impose une certaine distance qui empêche toute empathie de notre part.
J'ai apprécié le côté "puzzle" de l'intrigue. Stéphane croise un autre personnage dont je ne connais pas encore le point de vue. Cela m'intrigue et me donne envie d'avoir une vue d'ensemble de l'intrigue.

Je suis curieuse de découvrir les autres volumes de cette série.

samedi 17 mai 2025

Aude Ziegelmeyer - Peau d'âme, Tome 1 : Les lilas du roi

Auteur : Aude Ziegelmeyer
Éditeur : Gulf Stream
Parution : 6 mars 2025
Pages : 440
EAN-13 : 978-2383494621



Cloîtrée derrière les murs dorés qui l'ont vue naître, Blanche passe ses journées hantée par les souvenirs de sa défunte mère. Lorsque son père lui annonce son projet de se remarier à la suite du bal donné pour l'anniversaire de la jeune femme, celle-ci comprend qu'il a renoncé à faire d'elle son héritière. Le roi compte d'ailleurs profiter des festivités pour la présenter à Armand Meslay, le fils de sa plus grande rivale. Cette alliance pourrait empêcher la guerre qui s'annonce entre leurs royaumes.
Blanche n'a que peu de temps si elle veut convaincre son père qu'elle est aussi sage que l'était sa mère, et donc digne de lui succéder. Elle ne voit ni la folie qui embrase les yeux de ce dernier, ni l'adoration qui illumine le regard de celui que la cour surnomme le " Fou du roi ".
Rattrapée par les effroyables secrets que dissimule le souverain, la princesse d'Ivrée est prête à tous les sacrifices pour échapper au piège implacable qui se referme sur elle. Jusqu'à conclure un pacte magique. Or, dans une tour oubliée du Palais, une fée enfermée depuis des années attend son heure. Celle de la vengeance.


Ce roman me faisait de l'œil depuis sa sortie. J'adore les réécritures du conte, l'objet livre est très beau et les avis autour de moi étaient plutôt positifs. J'ai profité qu'il soit mis à l'honneur durant le Bookclub du mois de mai organisé par Charlotte (Chez Cha Cheshire) pour le découvrir.

L'autrice revisite le conte de Peau d'âne en plongeant son lectorat dans une atmosphère sombre et cruelle. Plusieurs thématiques sont abordées : le deuil, la quête de liberté ou encore la révolte féministe.
L'intrigue se déroule dans un imaginaire médiéval marqué par la décadence, la peur et l'oppression. Ce n'est pas un monde de chevalerie noble et d'idéal courtois, mais plutôt un royaume à l'agonie, écrasé par un pouvoir brutal, incarné par le roi.
Le palais est froid, presque vidé de vie. L'architecture, les jardins et même les vêtements sont décrits avec minutie pour accentuer la claustrophobie de Blanche. Son enfermement est à la fois physique, psychologique et symbolique.
Les lilas sont omniprésents dans ce récit. Toutefois, au lieu d'incarner la beauté, la fraîcheur et les premiers émois amoureux, ils deviennent ici un symbole d'étouffement, de possession et de mélancolie empoisonnée.

Blanche évolue au fil des pages. Elle passe de jeune fille naïve à une figure déterminée à se libérer de son père et du carcan dans lequel la société l'emprisonne. Elle a encore du chemin à faire pour devenir une vraie figure d'émancipation mais elle est en bonne voie. Blanche est un personnage complexe, qui est tiraillé entre son désir d'approbation et sa quête d'indépendance. Sa transformation est marquée par une violence émotionnelle et physique palpable.
Les autres protagonistes apportent de la nuance au récit. En revanche, je regrette un peu qu'ils soient enfermés dans des archétypes. Ils ont moins de profondeur que l'héroïne et cela est bien dommage car il y a du potentiel. J'espère que la suite permettra de leur donner le développement qu'ils méritent.

En soi, cette lecture n'a pas été un coup de cœur. En revanche, elle est arrivée au bon moment pour moi et m'a apporté le divertissement et l'échappatoire dont j'avais besoin à ce moment-là.
Je lirai sans aucun doute la suite car je souhaite connaître le fin mot de cette histoire.

mercredi 14 mai 2025

Aki Poroyama - Stardust family

 

Auteur / Dessinateur : Aki Poroyama
Editeur Vega
Tomes : 2


Dans une société japonaise toujours plus complexe, le sujet de l’enfant est devenu extrêmement sensible. Seuls des parents triés sur le volet peuvent prétendre à une progéniture. Comment s’assurer de leur qualité ? En leur faisant passer un crash test ! Un enfant leur est prêté par l’administration, et celui-ci a pour charge de tester les postulants parents. Bienvenue dans un monde sous contrôle.



J'ai découvert ce manga grâce à Stéphanie (Pikiti bouquine). Le sujet m'a intrigué et je me suis donc laissée tenter par cette lecture.

Stardust family est une œuvre originale qui mêle dystopie sociale et drame humain. En seulement deux tomes, l'auteur (ou l'autrice) parvient à tisser une réflexion profonde sur la parentalité, la société et la solitude.
Le manga met en lumière un système où la légitimité d'être parent ne relève plus d'un choix personnel mais d'une évaluation sociale.
Les enfants, qui sont formés à être des juges inflexibles, sont privés d'une véritable enfance. L'œuvre explore la fragilité émotionnelle des personnages en réaction à ce système rigide. Hikari, tout en étant un observateur, se retrouve pris dans un tourbillon de doutes qui le force à questionner ses propres valeurs et à remettre en cause les décisions de la société.

Loin d'être un simple récit futuriste, ce manga questionne nos propres perceptions des relations familiales, du contrôle social et des droits individuels. C'est un véritable miroir tendu à notre société, offrant une réflexion sur l'humanité et la quête de sens dans un monde régulé et déshumanisé.

mercredi 7 mai 2025

Anaïs Félix et Camille Pagni - Les Nébuleuses

 

 Auteur : Anaïs Félix
Dessinateur : Camille Pagni
Editeur : Jungle
Collection : Ramdam
Parution : 23 janvier 2025
Pages : 192
EAN-13 : 978-2822241311


Nébuleuse. Objet céleste, composé de gaz et de poussières interstellaires, impliqué dans la naissance des étoiles. Ensemble dont les relations sont imprécises.
Camélia et Tom vivent à Bruxelles. Elle est doctorante en astrophysique, et lui est passionné par la littérature. Ils se rencontrent, tombent amoureux et là commence leur histoire. Ils se découvrent dans cette relation et lorsque la question de l’asexualité apparaît dans leur couple, ils se retrouvent confrontés à leurs désirs respectifs. Ils vont chercher alors, dans les nébuleuses des relations amoureuses, ce qu’aimer signifie.



Je remercie les éditions Jungle de m'avoir permis de découvrir cette bande dessinée via la plateforme NetGalley.

Ce que j'ai apprécié dans cet ouvrage, c'est qu'on est loin des récits amoureux classiques. C'est une exploration sensible de l'amour à travers une lentille peu représentée : l'asexualité.
Le scénario évite les clichés du coming-out ou du "désir à corriger". Ici, l'asexualité est acceptée, validée. Il ne s'agit pas d'un obstacle à surmonter. Cela donne lieu à un travail fin sur les dynamiques de couple, sur le consentement émotionnel et sexuel et sur le poids des attentes sociales dans la construction d'une relation.

Cette œuvre ne se limite pas au sujet de l'asexualité. Elle aborde aussi la charge émotionnelle féminine, la pression de performance (notamment sexuelle), les modèles familiaux défaillants et les stéréotypes de genre. Par exemple, le personnage de Tom déconstruit sans forcer la figure du jeune homme viril et permet un regard neuf sur la masculinité.
Le couple est régulièrement mis à l'épreuve par des frictions internes, crédibles, nuancées et universelles. Comment concilier désir et absence de désir ? Peut-on aimer sans "envie" ? Jusqu'où peut-on modeler une relation sans se renier ?

Le dessin accompagne parfaitement le récit. Les couleurs choisies ne sont pas anodines : elles évoquent l'univers céleste et le monde intérieur de Camélia, tout en soulignant la dimension éthérée et introspective de l'histoire.
La mise en page est sobre, souvent aérée, parfois ponctuée d'illustrations pleine page qui renforcent les moments clés de l'intrigue. Les silences y sont éloquents, notamment dans certaines scènes où les regards, les gestes et les vides narratifs racontent plus que les dialogues eux-mêmes.

Les Nébuleuses est à la croisée des genres : romance, introspection psychologique, manifeste discret. Elle fait partie de ces œuvres à la fois accessibles et profondes, qui parlent de sujets complexes avec pudeur.
Certains risquent d'être sur la réserve vis-à-vis de la fin ouverte. Cela n'est pas mon cas.
Je ne peux que recommander cet ouvrage aux lecteurs curieux de représentations plus larges de l'amour et du rapport au corps.